The Clientele : Ballades nocturnes
Musique

The Clientele : Ballades nocturnes

The Clientele explore des espaces vaporeux via un nouvel album somptueux. La pop aux contours abstraits de ces trois Britanniques chamboule les perceptions et tire le cœur et l’esprit vers de douces dérives.

À l’image de cette peinture qui orne la pochette de Strange Geometry, illustration d’un paysage urbain immergé dans l’obscurité où pointent quelques parcelles éparses de lumière en guise de balises, les airs servis par The Clientele depuis 1997 se font sombres, mais sont empreints d’une réconfortante douceur. Les ambiances flottantes, les guitares passées par des filtres de réverbération et cette voix en écho installent une distance, un brouillard engourdissant. Les textes traitent d’égarement émotif et du tourbillon urbain dans lequel on se sent toujours un peu étranger, mais où le désarroi peut être supplanté par la contemplation.

Cette impression de décalage est précisément ce à quoi réfère le concept d’"étrange géométrie" qui revient à maintes reprises dans plus d’une chanson du récent opus paru sur l’étiquette indépendante américaine Merge: "Lorsque ma mère est morte, j’ai longtemps continué à m’imaginer que je pouvais la croiser sur la rue, à tout moment", relate le chanteur et guitariste Alasdair MacLean. "Ce sentiment d’irréalité m’a hanté pendant de nombreuses années et je me suis rendu compte que nous tenons souvent pour acquis le monde dans lequel nous vivons, mais qu’il suffit de peu pour que le concept de réalité se dérobe à notre raison et qu’il devienne flou et mystérieux."

La musique du trio, avec ses inflexions rétro, parvient ainsi à capter ces moments obscurs où nous nous sentons coincés dans une dimension parallèle. Côté inspiration, MacLean se réclame surtout de groupes des années 60 comme les Beach Boys et Love: "L’œuvre de ces artistes paraît de prime abord ensoleillée; elle est cependant hantée par un puissant sentiment d’étrangeté."

Comparé à ses prédécesseurs, Strange Geometry se fait plus direct, plus spacieux. Le réalisateur Brian O’Shaughnessy, qui a déjà œuvré auprès de My Bloody Valentine et de Felt, est en partie responsable: "Il préfère la musique pop à la dissonance et les arrangements minutieusement soignés à l’improvisation. Il a donc réussi à nous inculquer une discipline quant à notre manière de procéder et nous a également rendus davantage consciencieux face à ce qu’on enregistrait."

Une section de cordes dirigée par le Français Louis Philippe, sorte de dandy de la pop rétro et confrère de Bertrand Burgalat, ajoute aussi une dimension nouvelle au répertoire de Clientele. "Ce fut une expérience extrêmement intense que de travailler avec cet homme, puisque pour lui la musique n’est rien de moins qu’une question de vie ou de mort. Quand il nous a proposé ses arrangements pour nos chansons, j’ai aussitôt compris que sa présence était une véritable bénédiction pour nous."

Après une grande virée en Europe qui prend fin au Portugal, le groupe s’envolera pour le Canada et s’arrêtera à Montréal pour la toute première fois. Et la suite? "Après cette tournée, beaucoup de sommeil! Et si tout va bien, nous tenterons de produire une musique un peu plus heureuse."

Le 24 octobre
Avec Annie Hayden et Jim Yoshi Pile Up
À la Sala Rossa
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