Festival du monde arabe : Métro, compo, dodo
Labess, ça veut dire "Tout va bien" en arabe, dans les rues. Et tout baigne pour ce groupe montréalais influencé par la rumba, le flamenco et le gnawa. Avec une voix qui s’est révélée au métro Henri-Bourassa…
Parmi les nombreuses découvertes et les savoureux mélanges qui sont au menu du sixième Festival du monde arabe, il y a Labess, qui profite en ce moment d’un bouche à oreille assez favorable. Au printemps, le groupe a fait la première partie de Rachid Taha à La Tulipe et au Spectrum et a été ovationné, et est alors passé des Bobards au Divan Orange puis aux Francos et a fait quelques dates estivales avant de se retrouver à l’émission Belle et Bum. La chanson traditionnelle revampée qui figure sur la deuxième compilation fraîchement sortie, Ya Babour El Leuh, "bateau de bois", est l’histoire d’un mec qui parle au navire ayant emporté sa belle loin des rives du pays.
"C’est hallucinant la poésie arabe quand tu y penses, dit Nedjim, le chanteur, avec cette voix enrouée, pleine de vie, pleine de gouaille. Mais je chante surtout en dialecte arabe des rues et aussi en français. On a même un couplet en hébreu dans une des chansons."
En fait, Nedjim Bouizzoul ne chantait pas le jour où il a quitté l’Algérie. Il a débarqué à Montréal en juillet 2003 avec sa mère et ses deux petites sœurs. "J’étais comme le père de famille, on a opté pour une nouvelle vie", dit-il en racontant comment son père, un musicien amateur et ingénieur électronique de son état, est mort à 37 ans des suites d’un cancer à l’estomac, alors qu’il n’avait que dix ans. La famille émigre au Québec sur la recommandation de vieux amis déjà installés ici. Et du jour au lendemain, le jeune immigrant se retrouve à jouer de la guitare dans le métro. Et pour mieux attirer l’attention des passants, il finit par chanter…
"Au début, j’étais assis, crispé derrière ma guitare. J’ai fini par me mettre debout, en dansant un peu pour mieux communiquer. C’était super intéressant d’affronter le regard des gens. Ça a été un peu mon école. Je chante encore parfois à la sortie du métro Mont-Royal."
Donc pas de prise de tête. Des musiciens rencontrés au hasard des jams dans les bars du Plateau. À commencer par Mahir, un percussionniste bosniaque qui squatte chez Rémi, le trompettiste français avec qui Nedjim allait parfois joueur sur le quai à Tadoussac. Le bassiste algérien Mourad s’est joint à eux un soir sur scène au Café Romolo et ils ne se sont plus quittés. Le clarinettiste français Pierre-Emmanuel, lui, a embarqué aux Bobards, à l’occasion d’un "gig" sans argent et fait merveille dans l’orchestration très cohérente de l’ensemble.
"Si tu n’es pas pistonné, tu n’as pas de place dans la société", chante Labess dans un titre engagé, Le Pays de mon enfance. Ici, au contraire, tout s’est fait tout seul, presque par hasard, grâce à des poignées de mains, à des baisers et à des regards qui se croisent.
"On avait un petit groupe en Algérie avec deux guitares et un percussionniste, ça s’appelait Fiestadey, en référence à la fête et au quartier d’Alger où nous habitions. On est passés une fois à la radio, c’est tout. Mon père aussi avait tenté de faire carrière, mais les émissions étaient pourries, il fallait faire des concessions et chanter juste en arabe."
"Nous, on ne veut pas jammer pour nous. Ça fait tripper les musiciens, mais ça ne fait plus tripper le monde. On veut un spectacle rodé et j’écris une nouvelle chanson tous les jours."
Le 11 novembre
Dans le cadre du Festival du monde arabe
Au Théâtre Corona