Les Dale Hawerchuk : Being Dale Hawerchuk
Les Dales Hawerchuk, recrue de la saison, lançaient cet automne un album éponyme qui propulsa les quatre gars du Lac dans une espèce de rêve éveillé relevant de l’absurde. Passez-leur la puck pis ils vont en compter des buts.
Ceux qui suivent le hockey – et même celles qui ne le suivent pas! – savent qu’un joueur score pas pire cet automne, un attaquant à quatre têtes qui vient du Lac-Saint-Jean, nommé Dales Hawerchuk, avec un "s" à Dale, messieurs dames. "Ça, c’est pour pas se faire actionner; tu peux appeler ton resto McDonal pas de "d". Vu qu’on reprend aussi sa photo, ça devenait nébuleux… Mais Dale est au courant", raconte Sébastien, un des deux frères Séguin du groupe.
Nous sommes au Divan Orange, petite salle et coopérative de travail où il s’en passe des belles, située sur la Main, dans le Mile-End, au nord de Mont-Royal, ouverte il y a un an par des anciens du Café Ludik et qui, pour dire les choses rapidement, rappelle la Casa del Popolo avec un répertoire un peu plus proche de la langue de Fred Fortin que de celle des Dears. Pierre Fortin, batteur des Dales et barman au Divan, dépose une blanche bien frette sur la table en bois rond en fredonnant "Ma bière est un corps mort", comme à la fin de Corps mort, chanson quasi instrumentale à part cette phrase qui en dit déjà pas mal sur une des muses de la flamboyante recrue de l’équipe C4.
Petit retour en arrière. C’est l’histoire de quatre gars de Roberval qui se connaissent depuis toujours. Martin Bergeron, bassiste (et ingénieur en pétrochimie dans une grosse fact’rie de l’Est de Montréal): "On jouait au hockey quand on avait huit ans, on avait des bands ensemble. Lui, i venait piquer des pommes chez nous quand j’étais jeune." Sébastien: "Oui, pis son père me courait après!" Jusqu’à ce qu’un jour ils fassent leurs boîtes et s’installent à Montréal pour se perdre de vue un temps et finir par se retrouver dans un show de Galaxie 500. "À ce moment-là, on s’est dit: "Let’s go les gars, c’est le temps de foncer" pis on a fait les Dales Hawerchuk", résume Pierre. "On a eu la chance de jouer en première partie de Grimskunk, ça nous a crissé un high ben raide; à partir de là, on a fait plein de tounes, pis c’est sûr qu’on voulait un disque, mais on savait pas avec qui, ni avec quoi", poursuit Sébastien.
C4 (maison mère de Fred Fortin, de Galaxie 500, des Chiens et d’Ève Cournoyer) est apparue comme une alliance naturelle et tout indiquée pour le groupe qui allait enregistrer son premier effort après un démo qui connut un certain succès sur les radios universitaires. "On jammait ensemble depuis un boutte, mais un local, ça sonne toujours la marde, t’entends rien, surtout quand t’es dans le fond, c’est un gros motton de bruit, se souvient Pierre. Quand on est arrivé en studio, on a été surpris, on a trouvé que c’était quand même assez tight, notre affaire."
Enregistré en quatre jours sous le regard bienveillant d’Olivier Langevin et de Pierre Girard à la réalisation, le premier album éponyme de la formation révèle des influences bien assimilées. Sébastien Séguin (absent au moment de l’entrevue), un des deux chanteurs, a pour modèle nul autre que le King, Elvis lui-même. Le bassiste a fait ses classes en écoutant compulsivement Primus (voir les premières mesures de Mi casa es su casa), tandis que Pierre, au tapochage de tambours, explique combien la vague grunge et le grand Kurt ont marqué le groupe, qui partage ses affinités avec les Fred Fortin, Groovy Aardvark, Grimskunk, Mononc’ Serge et autres Galaxie 500 de ce monde. Résultat: un rock musclé, "dans la face", dira Sébastien, pesant, irrévérencieux, des textes près d’une langue hurlée, joualisante, l’accent du Lac, quelques inventions de leur cru, comme le délicieux verbe pronominal "se cariboufier", qui signifie se maganer à l’extrême avec un deux litres de caribou bien fermenté, "pas celui de Québec, là, commente Martin, non, celui du Lac: vin cheap rose pâle L’Hermite, ginger ale, pis un 10 onces de 94 %".
Bref, une langue vernaculaire, colorée et vivante, qui n’a pas peur d’être ce qu’elle est et qui a bien raison de s’assumer. Les textes sont bruts, drôles et débauchés, ils sentent la bière et parlent de connivence entre "chumés"(Mi casa es su casa, Crocodile), de femmes (Abuse de moé, En déshabillé, Salive salée), du Lac (Je monte au Lac), de Star Académie… Et de Dale Hawerchuk, chanson éponyme qui reste collée dans le cerveau dès la première écoute, vidéo jouissif et franchement bien tourné, "même nous autres on est pu capables de se la sortir de la tête!" rigole Sébastien.
Le chapitre qui suit est une saynète surréaliste: "Un journaliste de la section des sports du National Post a joint Dale Hawerchuk (des Jets de Winnipeg) pour lui parler de nous, raconte Sébastien. Il a dit: "Tant que vous riez pas de moi, c’est correct." On lui a envoyé le vidéo, des chandails, des posters et des CD pour ses deux flos qui tripent sur le rock." Pierre: "Et une lettre dans laquelle on lui explique qu’on est pas des névrosés pis qu’on est pas en train de bâtir une secte autour de lui! Au bout du compte, il nous a souhaité bonne chance!"
L’absurde de la situation est allé loin, se dit-on en imaginant Sylvain Séguin traduire "J’te jure m’a te la crisser top net" par "If I’m alone in front of the net / I swear I’ll put it in the top corner" au journaliste qui n’y pigeait que dalle. "Moi je trouvais ça démesuré! C’est une joke qui a pris des ampleurs", confirme Pierre.
La dernière fois qu’on avait sorti nos métaphores de hockey, c’était pour parler de Mogilny (en "hommage" à Alexandre Mogilny), un groupe montréalais qui avait lancé un album en 2002… "Le hockey pis la musique, en quelque part, ça se ressemble, propose Pierre. Une chambre des joueurs ou un local de pratique, c’est la même affaire: tu sues, tu ries, tu parles des filles. Pis faire un show de rock avec les Dales, c’est du sport. Moi, quand je ressors de là, je suis brûlé pis j’ai perdu quatre livres."
Pour conclure, à part la coupe de cheveux – abondante, frisottée, indomptable -, les liens entre Dale et les Dales? Sébastien: "Il joue dans les coins, il va vite, il fesse fort, il a les coudes ben hauts, il donne des cross-checks dans la zone. Pis nous autres itou."
Le 4 novembre
Avec Les Chiens
Dans le cadre de Coup de cœur francophone
Au Cabaret Music-Hall