Dany Placard : Laterrière blues
Musique

Dany Placard : Laterrière blues

Dany Placard lance un nouveau disque solo qui carbure au sombre destin de personnages en déroute. Rencontre.

Son enfance et son adolescence, le chanteur de Plywood 3/4, Dany Placard, les a passées à Laterrière, un petit village situé entre le parc des Laurentides et la rivière Chicoutimi, dans la région du Saguenay. "On passait l’hiver à faire du ski-doo et l’été à rouler en motocross dans les pits de sable, se souvient-il. On jammait sur du Metallica dans les garages, pis on écœurait les plus jeunes. On avait ben du fun."

Quinze ans plus tard, la moyenne d’âge du village a nettement augmenté. Le bar de la rue principale a depuis fermé ses portes et, comme Dany et plusieurs de ses copains, de nombreux Laterriérois ont migré vers Montréal. "On discutait un soir du bon vieux temps et de nos expériences vécues là-bas. J’ai alors constaté que les histoires de mon nouveau disque pouvaient toutes se dérouler quelque part dans le fond d’un rang à Laterrière."

Baptisé Rang de l’église, ce nouveau disque solo de Dany ne témoigne pas d’une rupture marquante avec l’ambiance Plywood 3/4. Sombres, tantôt glauques, mystérieuses et nostalgiques, les pièces du compact s’inspirent de la folk américana de Tom Waits, Calexico et Howe Gelb (Giant Sand). Quelques références à Miles Davis (dont une courte reprise du Concerto d’Aranjuez de Joaquin Rodrigo que le trompettiste avait interprété) viennent également jeter un peu de grisaille sur la facture somme toute moins mouvementée que celle de Plywood.

Les thèmes abordés: la fuite de la réalité, la vieillesse et l’espoir d’un rêve (souvent insaisissable) bien ancré dans un spleen omniprésent. "Je crois que c’est le sentiment général qui règne à Laterrière, répond Dany. Beaucoup de monde a quitté le village; les gens qui y restent se sentent abandonnés. Mon frère vit encore là, et tout semble si triste et monotone. Il n’y a plus rien à faire, et comme la télévision satellite et Internet se rendent là-bas, tout le monde vit devant son écran."

L’idée d’un personnage en quête d’exutoire, Dany l’avait aussi exploitée sur Beauté mécanique, le dernier disque de Plywood 3/4: isolé dans son garage, un homme occupe ses journées à fabriquer la créature de ses rêves. Un leitmotiv? "Je dois être aussi en quête d’un idéal, affirme le compositeur qui précise toutefois n’être pas si malheureux de son sort. Je travaille présentement en ébénisterie sur un chantier de construction. Chaque jour, je me demande combien de temps encore je devrai faire ça. Je suis une personne anxieuse, il faudrait que tout aille toujours mieux. Vieillir me fait aussi peur. Je vois mon père qui, à 52 ans, ne peut plus travailler à cause d’un accident. Il a passé 18 ans au sein d’une compagnie qui ne l’a même pas remercié lors de son départ (la chanson Les Mains dans l’huile y fait référence). Je trouve ça déprimant de le voir écouter Quebecor à la TV, pris dans sa maison à Laterrière."

Accompagné des musiciens qui ont participé à l’album (dont Patrick Hamilton, Urbain Desbois et quelques membres de Plywood), Dany se produira dans le cadre de Coup de cœur francophone. Il projette ensuite de partir en tournée au Québec en formule trio (guitare, trompette et trombone).

S’arrêtera-t-il à Laterrière? "Sans doute, j’y vais aux deux ou trois mois. Je ne renie pas le village, je le trouve seulement désolant."

Le 10 novembre à 19 h
Aux Anges Vagabonds

Le 11 novembre
Au Cabaret Music-Hall
Voir calendrier Folk / Country / Blues