Les Suprêmes Dindes : L'inconfort et la différence
Musique

Les Suprêmes Dindes : L’inconfort et la différence

Les Suprêmes Dindes traversent l’Atlantique pour la première fois, lestées d’un rock garage aussi cinglant qu’interpellant. N’ayez crainte, elles ne couvent aucun symptôme de grippe aviaire, mais plutôt une franche et sainte colère. Aucun vaccin connu.

Tel que spécifié sur la couverture de leur plus récent CD La Bûche (Artdisto, 2004), Les Suprêmes Dindes forment un groupe de rock. Rien de trop anormal jusqu’ici, si ce n’est des conditions impromptues dans lesquelles il a vu le jour, en 1994: c’est à l’occasion d’une fête de bureau soulignant le départ à la retraite d’un collègue que Jacqueline Bonjon et ses complices foulent les planches pour la première fois, y malmenant quelques instruments empruntés. "On s’est rendu compte que c’était comme si le rock avait toujours été en nous et qu’on ne l’avait jamais su", explique Bonjon, chanteuse et guitariste du suprême quartette complété par Martine Marelli (guitare, chant), Anne Dubois (basse, banjo, guitare, voix) et son frangin Joseph (batterie). "On a pris tellement notre pied qu’on a continué à faire de la musique une fois par semaine, puis on s’est aperçus qu’on ne connaissait pas du tout la musique rock", poursuit-elle, ajoutant être tombée à la renverse en découvrant Led Zeppelin, The Who et autres Dead Kennedys. "On s’est rendu compte qu’on était des rockeuses dans l’âme. Et les rockeurs, ce n’est pas de la frime; c’est quelque chose de profond. Je crois que c’est un profond désir, peut-être de destruction, ou de remise en question, mais le côté toujours énervé et pas content, on est vraiment comme ça. Même si on a aussi un côté un peu naïf et très heureux, on a ce désir de vouloir changer l’ordre établi. Et ça, je crois que c’est de pire en pire, étant donné la direction que prend le monde…"

Avec en toile de fond les banlieues françaises à feu et à sang sous les appels à la fermeté du président Chirac, les tendances révolutionnaires des Suprêmes Dindes n’ont visiblement rien du phénomène isolé. Et lorsqu’on les entend vociférer contre les riches snobs prétentieux sur la pièce Missise l’Anglaise, par exemple, on sait se trouver à mille lieues de la fanfaronnade. "Je ne pense pas que le bon chemin soit celui de l’argent et du confort parce que ça met tellement de gens sur la touche, dans la misère, que ce n’est pas possible de penser comme ça. Je crois qu’il faudrait plus d’entraide, qu’il y ait moins de riches, tout simplement, suggère la rockeuse. Parce que tout est en train de se mettre en place pour que les pauvres restent pauvres. Enfin, vaut mieux les tuer, à la limite, faire en sorte qu’ils n’existent plus et puis ne rester qu’entre riches; comme ça, on pourra manger du caviar et boire du champagne sans se soucier du malheur des autres!" En attendant la ponte d’un nouvel album pour l’automne prochain, les amateurs de volaille furieuse pourront se gaver dès le printemps d’un disque en concert et d’un DVD documentaire, présentement en cours de production. Et avant de pouvoir définitivement abandonner leur emploi (désormais à temps très partiel), les soniques Dindes trouvent le bonheur sur scène. "Peut-être parce que c’est un des rares moments où on peut s’éloigner de la réalité, présume Bonjon. Car la réalité, c’est dur à supporter…"

Le 12 novembre
Avec Call Me Poupée et Comme un homme libre
Au Club Soda
Dans le cadre du Coup de cœur francophone
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