Réal V. Benoit : La vie heureuse de Réal V.
Réal V. Benoit est ce personnage coloré, plus vrai que nature, que Fred Fortin a relancé jusqu’en Abitibi. Rencontre avec un homme étonnant qui a ressorti sa guitare du garde-robe après 30 années de silence.
L’histoire de Réal V. Benoit est un conte merveilleux made in Rouyn-Noranda. Mineur de sa profession, le coloré personnage a autrefois, il y a 30 ans, souhaité amorcer une carrière de chanteur qui piqua du nez après trois disques enregistrés avec les moyens du bord et un mauvais encadrement. "J’ai longtemps été amer, je considère que ces gens-là ont ri de moi. Le public, lui, me prenait au sérieux, mais quand j’arrivais dans les stations de radio, ça ne marchait plus, j’étais mal soutenu, confie le chantre des petites misères et poète du quotidien. Je voulais en faire une carrière, mais j’ai fini par mettre une croix là-dessus, comme quelqu’un qui fait de la course en skis et qui un jour se casse la patte et arrête tout. J’ai passé ma vie dans les mines, j’ai 42 ans d’expérience et je suis fier de ce que j’ai accompli dans ce domaine. Aujourd’hui je m’occupe de la sécurité des employés et je m’apprête à prendre ma retraite", raconte Monsieur V. Benoit en direct de son Abitibi au "ventre plein de minerai", tel qu’il le chante sur Sérieusement, son 4e album lancé cet automne… Plus de 30 ans après le troisième.
Un certain soir sombre de 1975, écœuré de la tournure décevante des événements, avec l’impression de ne pas être pris au sérieux par son producteur, qui, soir après soir, le déguisait en mineur chantant, Réal V. Benoit a "crissé sa guitare dans son étui" et s’en est allé, le cœur lourd et la mort dans l’âme…
Jusqu’à ce qu’un certain bleuet "fuzzé" mieux connu sous le nom de Fred Fortin, lance un avis de recherche en ondes aux Refrains d’abord, l’émission qu’anime Monique Giroux à la radio de Radio-Canada. "C’est bizarre la vie comment c’est fait. Pendant 30 ans, personne ne m’a parlé de musique, ma guitare était rangée dans un coin du garde-robe et je ne la sortais même pas à Noël. Jusqu’à ce que, au cours de la même année, Fred vienne à ma rencontre en plus d’une gang de "p’tits vieux" d’Acton Vale qui se sont mis à me relancer pour que j’aille faire un show chez eux. Soir après soir je rentrais de la mine et ma femme me disait: "Gaétan a encore appelé." Jusqu’à ce que j’accepte."
Réal V. Benoit a depuis dépoussiéré ses vieilles bobines pour nous mitonner un disque à l’effigie d’un 20 $. Sur ce nouvel effort sans prétention, rempli d’humour et de p’tits rictus entendus, il livre onze chansons découpées dans le quotidien, sur lesquelles il célèbre la ténacité dans les moments difficiles, dénonce l’hypocrisie des vendus, entonne La balade des bills de 20 $, encense les attraits de son Abitibi chérie, maudit le "chiâlage" inutile. "Je m’inspire des détails du quotidien, des choses qui m’ont écorché, qui m’ont fait rire ou qui m’ont fait jouir", précise celui qui hait la routine et la chante pour la tromper.
Bien des choses ont changé depuis la rencontre avec Fred Fortin. "C’est sa femme qui avait déniché mon disque. Y a des magasins où c’est plein de vieux vinyles, tu peux retourner dans le passé." Un jour ce dernier l’invite à assurer ses premières parties. "J’ai dit: "Es-tu fou, Fred? Tes fans ont les cheveux mauves, des boucles d’oreilles pis des pitons partout, je me vois pas là-dedans!" Il m’a dit: "Inquiète-toi pas, Réal, je vais t’arranger ça, je te jure, ça va aller". J’ai été intrigué. J’ai découvert ses disques, j’haïs pas ça!"
Le 12 novembre
Au Studio-Théâtre de la Place des Arts
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