Clémence Desrochers : Les écrits restent
Clémence Desrochers fait ses adieux au disque avec le CD Mes "classiques" en public, condensé de drôleries et de chansons sensibles. Avant de retourner se blottir dans l’écriture, elle nous a accordé une entrevue.
Tôt le matin, on téléphone à Clémence, admiratif de la femme, de l’artiste, de l’humoriste qui fait rire trois générations, au minimum, de Québécois. Mais par-dessus tout, l’amateur de chansons jubile à l’idée de rencontrer la poétesse, l’écrivaine, celle qui a signé quelques-unes des plus belles pages de la littérature d’ici. Chez Clémence, en toute saison, ce sont les classiques que l’on ramasse à la pelle. Les feuilles s’envolent, ses écrits restent et chantent grâce, entre autres, à son compositeur Marc Larochelle, qui "écrit les plus belles mélodies. Ses musiques portent les mots, comme sur Full day of mélancolie. C’est un musicien-poète. Il aime la poésie, ça paraît dans l’écriture de sa musique, avec un côté impressionniste", confie une Clémence bien éveillée au bout du fil. C’est la passion qui bat en elle, et à plus de 70 ans, elle demeure aussi vive, rieuse et passionnante.
En 2003, Clémence lançait un superbe album, De la factrie au jardin, des réenregistrements de ses chansons lentes, tristes, follement belles, laissant à la mélancolie et à la contemplation la meilleure place. On espérait depuis avidement un volume 2, avec les merveilles délaissées (La Chatte surprise, C’est toujours la même chanson), mais Clémence est déjà ailleurs: "Il y a des gens qui aiment les chansons douces, alors ils préfèrent mon disque De la factrie au jardin. Mais avec ce nouvel album, c’est une chose différente: je suis en public, je fais du spectacle, je suis dans le résultat immédiat, dans le contact avec les gens, que je considère très important. Le public, c’est mon partenaire, sans lui je n’existerais pas." Et sans elle, le public vivrait un peu moins, privé de son regard attachant, de sa plume jubilatoire.
Mes "classiques" en public est un montage, avec d’inévitables coupures. "C’est un choix personnel. Je n’ai plus envie de faire certains monologues: L’Acheteuse, Le Beau Voyage. J’ai choisi les monologues dans lesquels je suis bien. Je les ai raccourcis. Et on a coupé certaines chansons que je chantais en spectacle, mais qui étaient meilleures sur De la factrie au jardin. Il y avait aussi des choses plus graves: Avec les mots d’Alfred, la chanson sur la mort de ma mère, je l’ai enlevée. Je ne m’écoute pas vraiment, juste une fois pour voir si c’est correct, ensuite je laisse ça aux gens. On est très exigeant vis-à-vis de soi-même." Un CD qui prend malheureusement des allures de testament discographique. Lorsqu’on soulève l’idée qu’elle pourrait très bien ressortir de nouveaux disques, elle blague, mais le message est clair: "J’espère que non, là, je suis tannée. C’est assez. Des disques, on en a plein le garage!"
Il faudra se résoudre à laisser Clémence quitter le disque, puis les planches, afin de la retrouver au cœur de sa passion: "Je vais toujours continuer à écrire. Dans ma vie, je mets tout en mots. La nature, ce qui arrive autour de moi. L’écriture, c’est la vie."
Mes "classiques" en public
Clémence
(Éditions Galoche)