Diane Dufresne : Classe de maître
Musique

Diane Dufresne : Classe de maître

Diane Dufresne nous refait une scène en lançant ces jours-ci un deuxième coffret de cinq spectacles. Petit cours de show-business en quatre leçons.

Au visionnement des cinq spectacles de Diane Dufresne inclus dans ce deuxième coffret, Follement vôtre (1985), Symphonique’n’roll (1988), Détournement majeur (1993), Réservé (1997) et Kamikaze (2002), on est pris d’un réel vertige: on constate en quelques heures, en appréciant entre autres le souci de la mise en scène, l’exubérance des costumes et le large spectre dans l’interprétation, à quel point le monde du spectacle est devenu… plate. Sans panache, quoi. Ce coffret devrait d’ailleurs se retrouver sous l’arbre de Noël de toute personne qui œuvre dans cette "industrie". Ne serait-ce que pour se rappeler ce qu’est un artiste de la scène.

Lorsqu’on lui confie ce vertige, celle qu’on a surnommée la Diva – ce qui la fait visiblement encore souffrir – s’étonne: "Pourtant, je n’ai rien à apprendre à personne! Je crois qu’on ne peut rien apprendre, vraiment. Il faut trouver seul son instinct et ce qu’on à dire comme artiste." Première leçon.

"Et c’est difficile d’être un artiste. L’artiste, comme le scientifique, cherche des choses, et risque parfois de se casser la margoulette. Or, aujourd’hui, les médias ont pris beaucoup de place dans le show-business. Il faut qu’ils vendent, ce qui fait qu’il y a peu de place pour la liberté et la recherche. J’ai côtoyé de jeunes chanteuses: il faut qu’elles performent, sur scène et dans les palmarès, il faut qu’elles soient belles, gentilles, toujours correctes. Mais être un artiste, c’est ne pas être correct! C’est prendre des risques et dire ce qui nous tracasse à l’intérieur. Il faut aller jusqu’au bout de soi pour aller voir ce qu’il y a. De l’autre côté de la fatigue réside un abandon. Quand mon dos ne me permet plus de peindre debout, je prends une autre position et je peins différemment. Ça m’amène ailleurs." Deuxième leçon.

Risque. Un mot qui reviendra souvent dans la discussion. Si un seul moment scénique devait illustrer toute son importance dans la carrière de Diane Dufresne, ce serait l’interprétation du Parc Belmont avec l’Orchestre symphonique de Québec, dans la célèbre robe symphonique créée par Michel Robidas. Il est absolument saisissant d’observer Diane Dufresne se démener – même à reculons! – avec cette robe-décor qu’elle n’avait jamais revêtue auparavant, tout en demeurant dans la justesse, dans la dignité de l’interprétation. Le tout atteint son paroxysme lors de la finale, alors que les musiciens de l’orchestre jouent de manière chaotique, et où la chanteuse semble possédée par la folie du personnage. "Dans des moments comme ceux-là, on est réduit à n’être que le véhicule d’une œuvre forte, faite de mots et de musique. Une porte entre les musiciens et le public. Mais on doit contrôler l’émotion, contrairement à ce qu’on croit. Il faut la vivre sur scène, mais ne pas se laisser submerger par elle. Tu ne peux pas chanter jusqu’au délire. Pour ce qui est des robes, ce sont des contraintes qui nous amènent à nous dépasser. Les contraintes déclenchent l’imaginaire plutôt que de le restreindre." Troisième leçon.

Depuis plusieurs années, sous les sages conseils du défunt frère Jérôme, qui a entre autres enseigné à Vaillancourt, Riopelle et Mousseau, la chanteuse s’adonne quotidiennement à la peinture, "dans le respect et l’abandon de la toile" (elle expose d’ailleurs ses nouvelles œuvres jusqu’au 5 février 2006 au musée du Château Dufresne). Est-ce que son art pictural a influencé son travail dans le domaine musical? "Au début, je voulais peindre de la Beauté; le frère répondait: "Qu’est-ce qui est beau? Ça n’existe pas, la beauté. Quand tu peins, ne pense pas à ça, suis ton pinceau. Dessine une main, mais ne compte pas les doigts. Ferme les yeux et dessine la main que tu vois." Le frère Jérôme m’a appris que dans la créativité, il y a une espèce d’angoisse, de l’urgence, mais pas d’exigence de beauté. L’important, c’est que ce soit toi." Quatrième leçon.

On connaît le lien aussi étroit que respectueux qui unit Diane Dufresne et son public. La chanteuse confiera même qu’au-delà de la jouissance de chanter, c’est ce contact qu’elle recherche avant toute chose: "C’est un grand privilège d’être aimée du public. C’est la plus grande récompense. J’ai toujours été motivée par le public et les foules. Un spectacle, c’est un échange d’énergie. Même si les gens partent et qu’ils ne m’aiment pas, au moins il se sera passé quelque chose sur scène. C’est ennuyeux, chanter pour chanter. Et en plus, ça fait qu’on dure moins longtemps dans le cœur du public."

La cloche sonne déjà!

Diane Dufresne vous fait encore une scène
Imavision