Martha Wainwright : Le clan W
Martha Wainwright lançait en avril son premier album, une œuvre brute et sincère qui fut reçue avec grand enthousiasme. Après l’ère des grands tourments, apaisée, elle nous livre un minialbum.
Six mois ont passé depuis la parution de son premier album, une œuvre qu’elle avait mis des années à composer et à enregistrer. Public et critiques furent aussitôt charmés par cette chanteuse au lyrisme folk-rock écorché, par cette voix qui sait se faire ténue ou ardente, par ses nombreux récits relatant la déchirure et l’égarement. L’album a récemment été lancé en Europe avec quelques ajouts dont la reprise de Dis, quand reviendras-tu de Barbara? On pourra ici profiter de ces extras avec la parution d’un minialbum de cinq chansons (I Will Internalize).
Rejointe il y a quelques semaines sur la route non loin de Chicago où elle se produisait, Martha se rappelle la journée où l’album est paru: "J’avais vraiment très peur, mais en même temps, une partie de moi s’attendait à ces belles réactions ou du moins, les espérait. L’album n’est pas parfait, il y a des moments où je fausse, où c’est un peu tout croche sur le plan de la réalisation. Je sais que ça pourrait être meilleur."
Elle a ainsi fait la preuve que bien au-delà des impressionnants talents qui l’entourent et qui resteront toujours pour elle sources d’inspiration et de motivation (son frère Rufus, sa mère Kate McGarrigle et son père Loudon), elle fait montre d’une personnalité artistique forte et distincte.
La reconnaissance a-t-elle changé les perspectives quant à la manière de concevoir le métier et la création? Elle avoue ne pas encore trop savoir. Étant en tournée depuis cette parution, elle ne s’est pas encore replongée dans la composition: "Je commence tout juste à songer à mon prochain album, j’ai très hâte d’avoir du temps. Je n’aime pas trop écrire sur la route, car j’ai besoin de beaucoup d’intimité. Mais pour le moment je dois continuer ce que j’ai commencé à faire." Ayant préféré ne pas s’associer à de grandes compagnies pour la parution de son album, elle ne dispose pas derrière elle d’une imposante machine de promotion: "Je dois donc aller voir les gens, les rencontrer directement pour leur présenter mes chansons".
La jeune femme, qui atteindra la trentaine sous peu, constate les effets du temps qui passe, que les marques laissées par les expériences, celles qui furent parfois de douloureuses blessures, se sont estompées. Elle se dévoile aujourd’hui sous un jour plus serein: "Les chansons du premier album reflètent ce que vit une fille traversant la vingtaine: il y a beaucoup de solitude, de doute, de déchirements, de peines d’amour. Je ne me sens plus comme ça aujourd’hui, alors ma manière d’écrire changera nécessairement."
Mais alors…, si la vie se fait bonne pour l’artiste et qu’elle ne comporte plus son lot de tourments, est-ce que le processus d’écriture ne s’en trouvera pas plus ardu? "Je ne crois pas carburer au malheur pour autant. Je crois que la jeunesse est une période où nous sommes très centrés sur nous-mêmes et sur nos petits problèmes, et je me rends compte aujourd’hui que la vie est tellement plus grande. En vieillissant, on acquiert de la maturité et on devient capable de parler d’autre chose que de nos sentiments personnels, le regard s’élargit."
Martha Wainwright
I Will Internalize
MapleMusic / Universal