Diane Tell : Tell quelle
Diane Tell, après un album de pop lumineuse campé aux frontières de la sentimentalité et de l’intelligence, présente une série de concerts décortiquant tendrement les rapports de couple.
"C’est un chapitre en forme de conclusion sur une période de ma vie personnelle de femme. Il vient un moment où le premier amour n’est plus qu’un vague souvenir", dit Diane Tell à propos du thème récurrent de Popeline, son douzième album, paru en février dernier. Ponctué d’une douce amertume sur la course du temps et l’inévitable affadissement du sentiment amoureux, sept titres y traitent de cette érosion sans atermoiements mais avec rigueur et intelligence. Outre ses propres textes, Elisa Point, Yann Moix, et même Friedrich Nietzsche, en poète de haut vol, participent à la réflexion. Intello, vous dites? Pas vraiment: "Le grand défi demeure ce duel entre paroles et musique. Mon objectif est de rechercher des mélodies réfléchies sur des textes assez forts. Je choisis les textes des autres simplement parce que je les trouve formidables. Par exemple, j’adore les poèmes de jeunesse de Nietzsche qui traînent sur ma table de nuit. Mais ça reste une question de magie, difficile de comprendre ce qui scotche les chansons sur la mémoire…"
De Québec à Biarritz, du Chantauteuil à l’Olympia, Diane Tell a une trajectoire bien connue qui n’en demeure pas moins étonnante. Rares sont les artistes d’ici à avoir vécu, dès la prime jeunesse, une telle facilité d’acclimatation à l’Europe: "À 17 ans, je refusais de chanter dans les boîtes du Québec le répertoire de Charlebois et Vigneault. Je voulais faire ma musique et mes chansons. J’ai été très persévérante. Ensuite, après quatre disques, à 20 ans, je suis partie en France avec mes textes de jeune fille et une trouille terrible… Ça a bien marché parce que j’ai foi dans une quête permanente du style personnel de l’auteur-compositeur. Il faut en faire le plus possible soi-même", estime Diane Tell dont les chansons, comme celles du tandem Diane Dufresne / Luc Plamondon, ont toujours exceptionnellement séduit une frange conscientisée de femmes: "Je suis du côté des femmes quand j’écris, mais j’aime bien que les garçons regardent par le trou de la serrure. Qu’ils écoutent aux portes", avance-t-elle, un brin sagace, avant de mettre en contexte ce penchant: "Ma vie privée n’est pas indépendante. Je suis mariée avec un Méditerranéen, mais dans cette relation, je peux faire mon travail sans revendiquer ma liberté. Dans la vie, j’en ai croisé trop qui voulaient que je laisse tout tomber pour devenir une moitié. J’ai jamais eu de Pygmalion… mais… j’aurais bien aimé travailler avec Gainsbourg."
Diane Tell entreprend dans les prochaines semaines une tournée qui l’amènera de la Métropole vers des endroits qu’elle a très peu visités depuis deux décennies. Avec ce sourire lumineux et contagieux dont sur scène elle ne se départit pas, ces temps-ci, ses deux mots d’ordre sont: voyager léger, voyager… légère: "Larmoyer, je fais ça en privé, rigole-t-elle. Lorsqu’on les chante, les histoires un peu tristes sont assimilées… J’ai vraiment du plaisir à me balader sur des mélodies, jouer de la guitare, faire des spectacles en crescendo comme Dylan à la fin des années 60… Commencer solo et ensuite embarquer huit musiciens, vivre l’instant, jaser de relations, toucher cette petite mélancolie sucrée, c’est sincère, je suis heureuse…"
Un portable bourré de musique, son iPod, trois guitares, mais surtout: "Ah! les lunettes et les livres. Lire m’apaise. Je fais même les courses avec des livres au cas où je resterais coincée dans un embouteillage… Alors mes livres voyagent. Et ils changent. Le même livre en Afrique ou ici semble si différent."
Attentive aux femmes cachées derrière les hommes, aux pygmalions et aux muses, elle s’est jadis intéressée à la discrète présence de Louise de Vilmorin dans l’ombre d’André Malraux, et promet, tout enthousiaste, de lire ce qu’il a rapporté d’onirique sur Nietzsche dans ses mémoires. Pop, vous dites?
Les 28 et 29 novembre
Au Cabaret
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