Kiss Me Deadly : Baiser mortel
Musique

Kiss Me Deadly : Baiser mortel

Les Montréalais de Kiss Me Deadly ont fait beaucoup de ravages en 2005: nouveau disque, un son mieux défini, les premières parties des groupes de l’heure, une tournée américaine… Entrevue avant le retour.

Pour tout dire, il y a déjà un bout de temps qu’on avait Kiss Me Deadly à l’œil. Assez souvent, la formation montréalaise montait sur les planches de la Sala Rossa pour jouer les pièces de Traveling Light, un premier opus paru en 2002 sous le signe du post-rock planant, beaucoup plus éthéré que Misty Medley, récente galette lancée cet automne. Depuis ces nouvelles couleurs déjà annoncées lors de la parution cet été d’un EP très joliment baptisé Amoureux cosmiques, c’est comme si le groupe avait délaissé ses allégeances un brin abstraites et cérébrales pour se diriger vers quelque chose de plus charnel, dansant, voire sexy.

"Cette tangente est issue d’un ensemble de facteurs… Premièrement, on voulait rejoindre plus de monde avec notre musique, ne pas s’enfermer dans un petit pattern indie. Le côté dansant a été introduit avec le drum machine, qu’on entend sur environ la moitié des tounes; on est plutôt à l’aise avec cet élément rythmique. Sans compter qu’on est tous des grands fans de Daft Punk et de New Order… Moi, j’ai toujours aimé la musique des années 80: a-ha, Men at Work, U2… Dans les partys, c’est encore là-dessus que les gens dansent", constate Mathieu Dumontier (basse et voix), le francophone du groupe, joint en plein centre-ville new-yorkais.

"On joue au Mercury Lounge ce soir, un genre de Sala Rossa en plus petit, très propre, avec des planchers de bois franc… On achève la tournée, qui s’est déroulée principalement aux États-Unis. Ça se passe bien, surtout dans les grandes villes comme Chicago, Minneapolis et Atlanta. Ailleurs, dans les plus petites villes, c’est pas aussi fou, c’est un peu comme si on allait jouer à Trois-Rivières, mais on y va justement pour se faire connaître. On remarque que le fait qu’on vienne de Montréal attire l’attention, comme les bands brit à une certaine époque. Ça doit jouer, surtout en Europe, où il est déjà question pour nous d’une tournée au printemps."

CONTAGION

Mine de rien, l’hiver dernier, la bande planchait sur du nouveau matériel au studio Breakglass, à quelques pas du quartier chinois, redéfinissait le son de Kiss Me, s’engageait tête première dans de nouveaux virages et avait eu la très bonne idée de venir déposer dans notre pigeonniers un démo témoin de toute cette évolution, qui nous avait grandement enthousiasmés. D’abord pour la voix d’Emily Elizabeth, mieux définie, plus personnelle, une sorte de plainte sensuelle un peu décalée qui se fait ici miaulante, ailleurs haletante ou égratignée, tissée de jolies fêlures, et qui joue pour beaucoup dans l’intérêt que suscite Kiss Me Deadly: "En studio, elle fut encouragée à développer cette façon de chanter qui est la sienne, à se laisser aller là-dedans, à être plus exubérante, et à se diriger vers une interprétation qui lui ressemble vraiment." Le résultat est plus que convaincant. D’autres détails déterminent le son du band: les effets de pédales, du delay à l’envers qui rappelle un son acide associé aux années 80, les envolées au lyrisme sauvage d’un membre aussi important que flottant, Sophie Trudeau, violoniste en feu pour Godspeed, Set Fire to Flames, A Silver Mt. Zion, qui ouvrent sur d’autres ambiances (voir la pièce instrumentale qui donne son nom au disque). "Elle nous accompagne quand elle le peut. Mais pour l’instant, elle se remet d’une opération à l’épaule."

2005 fut une année charnière pour le groupe formé à Montréal en 2001. En plus du changement de label (ils sont maintenant sous contrat chez Alien8 Recordings) et de la parution d’un second disque qui les inscrit au panthéon des bands montréalais chouchous, il y a eu cette romance inattendue avec les Anglais survoltés et très "hypés" de Bloc Party. Rappel des faits: Kiss Me Deadly avait assuré, avec The Ponys, la première partie de la formation lors de son passage chez nous en mars, et le groupe, tombé sous le charme, avait en retour invité nos Montréalais (d’adoption, la plupart des membres étant des Américains venus étudier à l’Université Concordia et qui se sont finalement installés ici) à répéter l’expérience chaque soir en tournée. "On a vu ce que c’était que de faire des gros shows, de jouer devant beaucoup de monde. Chaque soir, on apprenait quelque chose de nouveau, à se connaître davantage comme musiciens, entre autres. On essaie d’être moins dans nos bulles, nos spectacles sont beaucoup mieux rodés qu’avant. On a été gâtés, tout était extrêmement bien organisé, et ils nous sont gentiment venus en aide quand le moteur de notre van a explosé… Pendant tout le reste de la tournée, ce sont eux qui ont transporté notre stock!"

Mieux rodés, ça oui. Ceux qui, comme nous, surveillent Kiss Me Deadly depuis un bout de temps ont assisté à la naissance d’une synergie entre les membres. On a pu en avoir un avant-goût le 31 octobre dernier (en première partie des bouillants Go! Team). Ceux-ci, alors déguisés pour l’occasion en très sexy matelots de l’espace ("Emily porte encore son costume chaque soir, mais nous on est pas sûrs… C’est bizarre, jouer là-dedans, disons que c’est un peu trop serré à mon goût!"), s’étaient rapprochés et semblaient jouir d’une connivence nouvelle, agréable. Même à travers un charisme un peu froid, ce flegme, et la relative discrétion qui distingue le groupe, le plaisir de jouer ensemble et une sorte d’assurance qui les rendait apparemment très fébriles et enthousiastes étaient palpables. Et ça faisait plaisir à voir.

On peut continuer à miser sur ce cheval nommé Kiss Me Deadly.

Le 9 décembre
Avec Shoot the Moon et Kickers
À la Sala Rossa
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