Revue des concerts de l’année : Top concerts
Des shows majeurs, des retours inattendus, des découvertes exaltantes et des surprises: une année ponctuée de concerts marquants s’achève. Voici nos palmarès.
ROCK
Patrick Ouellet
THE MOST SERENE REPUBLIC
Le mercredi 21 septembre au Pub Universitaire. Les amis de la chouette radio CHYZ-FM nous avaient préparé toute une gâterie à l’occasion de leur lancement de programmation automnale. Non seulement avaient-ils retenu les services des pétillants Malajube (dont l’enlevante prestation sur les Plaines à la Saint-Jean-Baptiste se fait ravir la pole position de ce palmarès par un bien mince cheveu), mais ils avaient aussi invité la jeune et renversante formation ontarienne The Most Serene Republic. Originaires de la région de Milton (une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Toronto), les six amis musiciens avaient lancé un peu plus tôt pendant l’été un premier album intitulé Underwater Cinematography, paru chez les disques Arts & Crafts à la suite de leur recrutement par les fondateurs de l’étiquette, membres du fameux collectif Broken Social Scene. Si certaines oreilles fantasques avaient trouvé à redire sur la facture aride et les imperfections de cet album plus que rafraîchissant, le public curieux massé devant la petite scène aussi débordante que frétillante aura découvert une nouvelle mouture d’indie rock canadien riche en mélodies pénétrantes et en rythmiques débridées, mariant habilement pop, jazz, folk, prog ou techno. Menée par le discret mais efficace claviériste Ryan Lenssen, la troupe se distingue sur scène grâce à son chanteur Adrian Jewett, grand rouquin maigre au timbre de demoiselle partageant les tâches vocales avec la guitariste Emma Ditchburn, et à l’éberluant batteur Adam Nimmo, qui en plus d’incarner le pire cauchemar pour n’importe quelle peau de batterie, s’est avéré des plus sympathiques lors de discussions post-concert. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il a confié les intentions du groupe de se pencher rapidement sur un prochain recueil, à la suite de la tournée européenne d’hiver aux côtés des paternels BSS. À tout juste 20 ans pour la plupart, voici une bande de musiciens regorgeant de talent et foutrement imaginatifs.
Malajube, le vendredi 24 juin sur les plaines d’Abraham.
Cuff The Duke, le jeudi 14 juillet au Pub Saint-Alexandre.
Calexico, le dimanche 17 juillet à la place D’Youville.
Green Day, le lundi 2 mai au Colisée.
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CLASSIQUE
Antoine Léveillée
Martha Argerich |
MARTHA ARGERICH ET NELSON FREIRE
Le Grand Théâtre était comble le 26 mars dernier. Une salle remplie à pleine capacité et une scène meublée de chaises, vu les circonstances, enveloppaient les deux pianos au centre. Une concentration hors du commun de mélomanes et d’amateurs, qui témoigne de l’engouement et de la fascination qu’exerce encore la pianiste argentine Martha Argerich. Simple et sans trop de décorum, avec son complice de toujours, le Brésilien Nelson Freire, la Martha, fidèle à sa réputation, a su canaliser l’attention sur la musique. Le programme fut chargé et généreux. Un répertoire pour deux pianos et quatre mains. Les Variations sur un thème de Haydn de Brahms comme entrée en matière, les Variations sur un thème de Paganini de Lutoslawski, la Valse de Ravel et un rondo de Schubert. Une virtuosité insolente dans Lutoslawski et une poésie délirante dans Ravel. Entre les mains de ces deux interprètes, qui semblent s’amuser à tout réinventer pour le simple plaisir d’un moment unique et partagé, on oublie le décor et la circonstance. Pour rien au monde je n’aurais voulu me retrouver à la place de la personne désignée à la partition, constamment aux aguets qu’il était face aux indications spontanées d’Argerich. Une anecdote qui résume bien la fougue des deux interprètes, racés, à la limite de l’intransigeance. Deux bohèmes indomptables, libres de toute convention, accessibles sans retenu lorsqu’il est question de musique.
Yoav Talmi et l’Orchestre symphonique de Québec, Le Printemps Beethoven en mars au Grand Théâtre de Québec.
Daniel Taylor, James Bowman et le Theatre of Early Music, le 20 août au Domaine Forget.
Le Quatuor Takàcs et le Club musical de Québec, le 12 décembre au Grand Théâtre de Québec.
Vivica Genaux et les Violons du Roy, sous la direction de Bernard Labadie, le 18 mars à l’Église Saint-Dominique.
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CHANSON
Gilles Tremblay
RICHARD DESJARDINS
Richard Desjardins Photo: Érik Labbé |
Parcourir l’univers de Richard Desjardins s’avère un plaisir toujours renouvelé. Kanasuta, là où les diables vont danser reste son spectacle le plus achevé à ce jour. Cela est dû tout d’abord à la qualité exceptionnelle des musiciens qui l’accompagnent. Marie-Soleil Bélanger, violon, Claude Fradette, guitares, Didier Dumoutier, accordéons, et Normand Guilbeault, contrebasse, affichent une complicité sans faille, créant des atmosphères et des décors sonores d’une grande beauté, témoin la sublime interprétation des Yankees, le clou de la soirée. Mais tout ne serait qu’un exercice de style sans la présence, la voix, la poésie et l’humour de Desjardins. Même devant un public qui lui est acquis avant la première note, le chanteur déploie tout son talent et toute son énergie. On a du mal à croire que son œuvre ne comprend que quatre albums tant elle nous paraît universelle. Tel un alchimiste qui a découvert le secret de la pierre philosophale, Desjardins manie la gravité et la dérision, la joie et la douleur, l’amour et la guerre en un voyage initiatique empli d’émotions. De Signes distinctifs à Nous aurons, avec Dans ses yeux, Jenny, Va-t’en pas, La Porte du ciel, Nataq, et les classiques Le Bon Gars, Et j’ai couché dans mon char et une superbe version de Tu m’aimes-tu? pour laquelle il délaisse le piano pour la guitare. Un moment privilégié que l’on espère revivre bientôt.
Charlélie Couture, le 10 juillet à place D’Youville.
Daniel Lanois, le 7 juillet au Parc de la Francophonie.
Charles Aznavour et l’Orchestre métropolitain de Montréal, le 5 juin au Colisée Pepsi.
Pierre Lapointe et le Consort contemporain de Québec, le 11 juillet au Grand Théâtre.
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ÉLECTRONIQUE
François Gariépy
Dexter W de Corrupted Suburbs |
KMFDM ET CORRUPTED SUBURBS
Le vendredi 7 octobre, au Théâtre du Capitole de Québec. Difficile de ne pas considérer cette soirée comme marquante, voire historique, au moment de faire le bilan de la dernière année. Outre le charmant concert de l’increvable groupe KMFDM, fondé à Paris au milieu des années 80, un spectacle qui aura assurément comblé les fans et aussi interpellé plusieurs néophytes, tous retiendront de cette soirée la formidable mise au monde d’un groupe de Québec du nom de Corrupted Suburbs, qui irradia ce soir-là de fines mélodies industrielles intoxiquées aux agents polluants modernes comme jamais auparavant. Totalement martelée de joie par les hymnes de CS, la foule fessée par une telle hécatombe était visiblement partagée au moment de déterminer le meilleur spectacle de la soirée à la sortie du théâtre; c’est dire combien l’impact du groupe réchauffeur fut grand. Ainsi, le charismatique et surtatoué Dexter W a dégueulé ses textes morbides sous la pression musicale apocalyptique de ses copains Logan et Ludovik, deux démons bidouilleurs en pleine possession de leur vilaine machinerie. Enfin, rappelons que Corrupted Suburbs montera sur la scène du Théâtre du Capitole de Québec le jeudi 22 décembre, soit au même endroit, mais cette fois à titre de grande vedette de la soirée. À voir absolument avant de mourir gazé dans d’atroces douleurs…
Felix da Housecat, chez Dagobert le jeudi 14 avril.
DJ Champion, au Sonar le samedi 12 novembre.
Machine Jam, au Complexe Méduse le vendredi 29 avril.
Higher 2, au sommet du Mont-Sainte-Anne le samedi 29 janvier
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CHANSON/JAZZ
Denys Lelièvre
Pierre Lapointe |
PIERRE LAPOINTE
Ça fait plus de 30 ans que j’attendais un chanteur comme Pierre Lapointe, un auteur-compositeur habité à la fois par la chanson d’ici et par la tradition française, habile à créer un univers où réalisme et imaginaire se fusionnent à merveille, un interprète communiquant ses émotions dans une mise en scène à la fois poétique et théâtrale. Lapointe passe le test des grandes salles. À Louis-Fréchette, la Forêt des mal-aimés prend toute sa dimension. Le décor est mis en perspective, gagne toute la profondeur désirée. L’éclairage offre la qualité de celui des grandes pièces de théâtre. Le show témoigne d’un bel esthétisme. Lapointe offre plusieurs nouvelles chansons. Au lieu de les regrouper, comme c’est souvent la coutume, en une seule partie, il les mélange aux anciennes. Beaucoup d’entre elles semblent plus simples que jamais, encore plus tendres, moins influencées par l’esprit frondeur du dadaïsme. Plus que jamais, l’univers pourtant singulier de Lapointe nous rejoint dans nos angoisses, nos amours, nos espoirs. À 20 ans et des poussières, on a assez de vécu pour prendre du recul. La pensée de Lapointe est très rimbaldienne. Des chansons resteront. Charlebois avait 24 ans quand il a chanté Lindbergh, Michel Rivard le même âge au moment de la Complainte du phoque en Alaska. L’interprétation que Lapointe fait du classique de Brel Au suivant est magistrale. La voix fait le boulot. J’aime la simplicité désarmante de l’homme derrière les chansons. Cette façon de dire en toute confiance à son public le bouleversement et le plaisir éprouvés par la réception du Grand Prix de l’Académie Charles-Cros. Lapointe possède les atouts pour connaître une carrière française aussi fulgurante que celles des Bénabar et Fersen. Avec lui, Loco Locass, Martha Wainwright et bien d’autres, la chanson faite au Québec est pétante de santé. La Forêt des mal-aimés, un univers dans lequel le spectateur aimerait demeurer. Un miracle! De la pure magie!
Loco Locass et le Consort contemporain de Québec au Théâtre Petit Champlain en novembre.
Alain Broadbent et Pat Senator au Largo Resto Club en août.
Juliette et l’Orchestre symphonique de Québec en avril.
Martha Wainwright au Théâtre La Bordée lors du Festival Off en juillet.