Susie Arioli Band : Affaire de chours
Musique

Susie Arioli Band : Affaire de chours

Le Susie Arioli Band lançait cet automne Learning to Smile Again, un très beau disque au ton doux amer. Le groupe chouchou revient à Québec pour le présenter à sept musiciens. Susie est folle des chœurs!

"Disons que c’est de la pop d’avant. Ça ressemble à ce qui jouait dans les radios à la fin des années 1960. Les gars chantaient super haut. C’était cool! So nice!" avance Susie Arioli, en parfaite bilingue, afin d’expliquer le virage amorcé avec Learning to Smile Again. Car là où certains ont vu dans les reprises des chansons de Roger Miller – qui occupent les deux tiers de l’album – d’insidieuses influences country, d’autres décèlent des climats délicieusement anachroniques qui forcent le sourire.

C’est un peu de col roulé, de velours cordé, des haltes oranges des Howard Johnson et du rutilement des ailes de Cadillac; By the Time I Get to Phœnix du grand Jimmy Webb en témoigne, ainsi que les arrangements dont la duveteuse volupté évoque l’insouciant Burt Bacharach. "Ce n’est pas une rupture abrupte, on n’a jamais été des puristes du jazz. Là, on a décidé de faire "une moooood", lance Susie. On est matures, on peut faire des choses qui ne présentent pas qu’une seule couleur de nous."

Malgré l’élasticité de ce répertoire brièvement figé dans le confort moraliste des sixties et du crossover, sur disque comme sur scène, pas d’excès. Arioli et son complice de toujours, le guitariste, arrangeur et producteur Jordan Officer, conservent leurs plus grandes qualités musicales: une pudeur attentive aux détails, une retenue faite de concentrés de silence semblable à celui des bibliothèques. "C’est bien de se retenir, de ne pas tout exposer… C’est comme une première rencontre; on veut tout montrer, mais vaut mieux se dire: chill out. Quand j’écoute Whitney Houston étaler perpétuellement toute sa voix, toutes ses tripes, ça me fait mal pour elle. On a envie de lui dire: calme-toi. Et puis, on finit par se demander si cette avalanche d’émotions est vraie. Chanter, c’est pas un sport extrême."

Propice à d’intimistes introspections, le ton doux amer de l’album a perdu toute artificialité lorsque Susie a été touchée par une triste réalité: "Parmi toutes ces chansons de rupture et de recommencement, il y en a une très jolie qui dit: "De plus en plus je pense à toi de moins en moins, et bientôt j’apprendrai peut-être à sourire encore". Eh bien, je ne sais pas ce qui s’est passé! C’était peut-être déjà dans l’air, comme une prémonition. Quelques semaines plus tard, j’ai perdu mon père. Nous avons eu beaucoup, beaucoup de peine."

Pour porter ces regrets à la scène lors des spectacles entamés en octobre, le groupe a, depuis, adapté son répertoire: "Fallait que ça soit naturel comme respirer. On a fait les chansons de Miller avec des arrangements doux et simples, alors ensuite on a dû, bien sûr, adapter les anciennes chansons plus jazz en leur ajoutant des voix partout." Car chœurs de garçons complices et choristes constituent le nouveau bonheur de Susie et Jordan, qui bossent désormais à sept: "Des voix sans affectation, pas de vibrato, ce son comme un violon… Ah! la beauté et la simplicité de ça! dit la chanteuse extatique en cherchant ses mots. Et puis visuellement, c’est émouvant, ces deux garçons… C’est modeste et petit ce qu’ils font. Tu vois, sur scène, on fait un petit son mais on… on est grand… plus costaud, tu comprends?"

Nous sommes semble-t-il nombreux à comprendre. En un peu moins de cinq ans, Susie et Jordan n’ont jamais été écorchés par la critique et le voyage de noces semble devoir se prolonger. "Incroyables, ces encouragements. Quel plaisir de constater à quel point les gens d’ici soutiennent leurs artistes! Et d’autre part, bien sûr, on est des anglophones, alors ça ouvre sur le monde. On est visibles de l’autre côté de la frontière, chez Border’s, dans les grandes surfaces, jusqu’à L.A. On a des amitiés, des contacts. On veut faire une tournée en Russie, c’est un peu épeurant. Mais le destin des artistes, c’est de croître, de créer de la friction! Le monde est grand! Spread the word baby!"

Le 29 décembre à 20 h
Au Grand Théâtre
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