Eva : Suivre sa voix
Musique

Eva : Suivre sa voix

Eva aborde l’œuvre de Marlene Dietrich avec un profond respect. Elle dépasse le mythe pour chanter l’être humain, une femme parfois nostalgique, certes, mais surtout avide du plus grand amour.

Dès la fin des années 20, en Allemagne, Marlene Dietrich s’est distinguée par son émancipation, par son indépendance, par son courage. En chantant dans les cabarets berlinois, elle n’hésitait pas à prendre ouvertement position contre le nazisme. Eva expose les raisons qui l’ont amenée à interpréter maintenant l’univers de la diva: "Bien sûr, je connaissais, comme tout le monde, l’actrice, sa vie fascinante, son anti-hitlérisme, mais je n’ai découvert tout son répertoire que vers 1992. Il y a un film qui m’a marquée: Suivre sa voie. Ça vous montre ce qu’elle a fait pendant la guerre. Elle était sur tous les fronts, à remonter le moral des troupes américaines. Elle a vu, a fermé les yeux. Je retiens son côté maternel, sa droiture. Je chante aujourd’hui un être humain, une femme contre la guerre, je veux aller chercher l’âme. Je ne pensais pas qu’elle était si proche."

Eva rend un vibrant hommage à Dietrich avec Pierre Grimard au piano sur un album intitulé simplement À Marlene. Le compositeur et poète juif allemand Friedrich Holleander a beaucoup écrit pour Dietrich, saisissant l’ambivalence de l’artiste entre le réel et le rêve. C’est ainsi que Wenn Ich Mir Was Wunschen Durfte la présente sous le signe de la nostalgie, mais qui ne cède en rien à la lucidité: "Si je devais faire un vœu/J’aimerais juste un peu de bonheur/Car si j’étais trop heureuse/J’aurais la nostalgie de la tristesse." Plusieurs chansons interprétées par Dietrich expriment aussi l’ambivalence entre la passion de l’autre et le désir de s’appartenir. Déjeuner du matin (Prévert/Kosma) ou Marie, Marie (Delanoe/Bécaud) expriment l’absence, le désir de rejoindre l’autre. La situation du prisonnier (le narrateur de Marie, Marie), dont la vie tient au souffle d’une femme, prend une valeur universelle: "Marlene Dietrich a souvent chanté les chansons que des hommes devraient chanter. Dans Déjeuner du matin, j’ai l’impression de jouer dans un film des années 30, 40. Il y a la précision. La femme est là, tout se défait. Cela me fait penser au film La Belle Indifférente, avec Édith Piaf et Paul Meurisse."

Cette indépendance de Dietrich est bien cernée dans Ich Weiss Nicht Zu Wem Ich Gehore: "Je ne sais pas à qui j’appartiens/Le soleil et les étoiles appartiennent à tous/Moi, je crois que je n’appartiens qu’à moi-même."

Parmi les dernières chansons de l’album, White Grass, du compositeur irlandais Charles Marawood, pose la question de ce qui reste après la guerre, Just A Gigolo, de la lucidité de l’artiste devant le temps qui passe. L’héritage de Dietrich vient donner raison à notre nature amoureuse. Les arrangements d’Alain Lecompte et de Pierre Grimard servent à merveille l’hommage qu’Eva rend à Marlene. L’interprète dédie ce disque à un ami disparu avec qui elle avait travaillé à ce projet, Vincent Pietroniro.

Les 19, 20 et 27 Janvier
Au Théâtre Petit Champlain
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