Coleman Lemieux & Compagnie : Ange et démons
Coleman Lemieux & Compagnie consacre au chorégraphe James Kudelka une soirée qui s’annonce aussi jouissive pour les amateurs de danse que pour les mélomanes.
"Kudelka est un créateur passionné qui pousse l’interprète au maximum de son potentiel physique et émotif. C’est un grand maître." C’est ainsi que Laurence Lemieux qualifie celui dont elle attendait depuis 10 ans qu’il crée une œuvre où elle danserait avec son conjoint, Bill Coleman. Un rêve devenu réalité avec "it is as it was", une pièce réunissant quatre danseurs de haut calibre, le très réputé haute-contre Daniel Taylor et les six virtuoses de son ensemble de musique ancienne, le Theater of Early Music, qui interprète le Stabat Mater de Vivaldi. C’est à la fois le clou et l’aboutissement de ce programme dédié à Kudelka, où les musiciens se trouvent seuls sur scène entre certaines des trois chorégraphies présentées.
Qui est James Kudelka? S’étant particulièrement bien illustré au sein des Grands Ballets Canadiens de Montréal et du Ballet national du Canada (où il a été soliste, chorégraphe en résidence et directeur artistique), il n’en est pas moins résolument contemporain. Opérant une fusion harmonieuse du classique et du moderne, il est mondialement reconnu pour la portée émotionnelle de ses œuvres. On comprend donc qu’en nous offrant deux reprises en plus de la nouvelle création, Coleman Lemieux & Compagnie (CLC) nous invite à un regard sur le patrimoine chorégraphique canadien. "Ça nous semble important de donner une idée de notre répertoire en danse pour nous resituer dans le temps en tant qu’artistes et en tant que société, déclare Laurence Lemieux. Avec ces trois pièces, on passe de 1987 à 2006 et on constate que les créations plus anciennes ont bien vieilli. Il faut dire que les éclairages et les costumes ont été repensés et que la présence des musiciens sur scène ajoute une atmosphère très particulière: la voix pure et angélique de Daniel Taylor contraste parfois avec une gestuelle qui n’a rien d’angélique!"
La soirée s’ouvre sur Fifteen Heterosexual Duets, créée en 1991 et présentée en première à Montréal. Sur la Kreutzer Sonata de Beethoven, les couples se succèdent, formés par de grands noms de la danse: aux côtés de Lemieux et de Coleman, on trouve des personnalités issues de grandes formations classiques comme Anik Bissonnette, Mario Radacovsky ou Andrea Bordman, ainsi que des figures de la danse contemporaine telles que Marc Boivin, Sylvain Lafortune, Anne Plamondon ou Victor Quijada. "Cette pièce est très technique, c’est un véritable tour de force, commente Laurence Lemieux. C’est un style de danse très musical et très physique où les portés se multiplient à une vitesse hallucinante, avec des passages plus lents. C’est une signature vraiment originale qu’on n’a pas l’habitude de voir." Ces duos sont suivis d’un morceau de Johann Heinrich Schmelze et du Dove Sei, extrait d’un opéra de Haendel chanté par Daniel Taylor.
Juste après l’entracte, Lafortune et Quijada dansent Soudain l’hiver dernier, un court duo créé en 1987 pour la compagnie Montréal Danse et "qui a influencé discrètement beaucoup de créateurs", ajoute la danseuse et directrice artistique de CLC. Autant cette pièce pourrait tirer les larmes, autant "it is as it was" est susceptible de nous faire rire, car l’humour et l’ironie s’y expriment aussi librement que la violence, la sensualité et même la sexualité. Accomplissant son vieux rêve de travailler avec Daniel Taylor, James Kudelka va jusqu’à l’intégrer au mouvement des danseurs. "On le soulève, on le chatouille… Il est très à l’aise et se déplace très bien sur scène, assure Laurence Lemieux. Le soir de la première à Peterborough, il a dit que c’était l’une des plus belles choses qui lui soient arrivées récemment et que plus il se laissait aller, plus l’expérience était belle." Une attitude que le public peut aussi choisir d’adopter pour un plaisir plus grand.
Jusqu’au 21 janvier
À la Salle Pierre-Mercure
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