Francis Cabrel : Goût d’éternité
Les chansons de Francis Cabrel ont un goût d’éternité, intemporelles petites choses dans un milieu où prime l’éphémère. Réunies sur un DVD live, elles témoignent d’une œuvre marquante.
Le téléphone sonne. C’est Francis Cabrel. Cette chère voix, ce drôle d’accent replongent à coup sûr dans l’adolescence, époque où plusieurs d’entre nous furent bercés, consolés, séduits par les chansons de Cabrel. L’album s’appelait 77/87, compilation de grands succès – et il en a eu du succès, le Monsieur. Un des rares chanteurs des années 70 à si bien traverser le temps, toutes les périodes de son œuvre variée se mêlent agréablement sans qu’aucune n’ait à rougir: "Mes chansons n’ont pas été écrites pour ne durer que cinq ans! Les arrangements ne sont pas tellement datés, j’en mets toujours assez peu, l’environnement musical est maigre."
Cabrel ne sera jamais un vieux barde fini, car il garde dans sa guitare le secret pour écrire de grandes chansons, encore et encore: "Je continue à faire ce métier avec l’espoir que je vais trouver un jour la phrase après laquelle tout le monde court, c’est le défi de l’écrivain. Comme un romancier qui cherche. Moi, c’est plutôt le côté auteur qui me tient. Je n’attends plus d’être inspiré pour écrire, sinon ça ne viendrait jamais!" confie-t-il en riant. "Au début, c’était comme un flot, ça sortait comme 25 années de silence qui s’épanchaient sur le papier, alors que maintenant c’est une discipline."
Tout au long de sa carrière, Cabrel s’est également appliqué à traduire en français les chansons américaines qu’il aimait: Rosie de Jackson Browne, S’abriter de l’orage de Bob Dylan. Pour son prochain album, qu’il souhaite sortir en 2007 pour fêter ses 30 ans de carrière, il travaille actuellement à l’adaptation de titres de Johnny Cash, de Willie Nelson, de Creedence Clearwater: "C’est un réflexe que j’ai de la traduire, lorsqu’une chanson me plaît au point que je vis avec elle, que je me la chantonne jour et nuit."
Cabrel, à y regarder de plus près, est moins un monstre sacré de la chanson française qu’un maître de la folk song, toutes langues confondues. Et un maître à portée de main, modeste. On n’a qu’à visionner son excellent DVD pour s’en convaincre. Un parcours exemplaire. Un voyage en 23 titres (dont 10 de son dernier album, Les Beaux Dégâts). La chaleur de sa guitare traverse l’ensemble. Son sourire itou. Visiblement heureux d’être là, tout comme son public du Cirque Royal de Bruxelles: "Cette salle est sublime. C’est un amphithéâtre qui fait quasiment tout le tour de la scène, avec le public tout près de nous. Et comme le public belge est merveilleux, je savais que ça allait coller." Et comme les chansons sont extraordinairement belles, ça colle: C’est écrit, Petite Marie, L’Encre de tes yeux, Je l’aime à mourir. Que de souvenirs. Mais aussi l’émerveillement de l’adulte consentant devant de récentes perles telles que Octobre, Hors-saison, Elle dort ou Les Gens absents. On a toute l’éternité pour les écouter, profitons-en maintenant.
Francis Cabrel
La Tournée des Bodegas (Zone 3)