Goldfrapp : Supernatrelle
Musique

Goldfrapp : Supernatrelle

Goldfrapp récidive avec un troisième album plus que jamais empreint de grooves taillés pour le plancher de danse. Rencontre avec la fantasque chanteuse Allison Goldfrapp.

Discuter avec Allison Goldfrapp relève du défi, voire de l’exploit. Nonchalante, évasive, se contentant de répondre par des phrases incomplètes ou détournant carrément la conversation, la diva du duo britannique Goldfrapp semble vouloir tester la patience de son interlocuteur. C’est bien connu, la sirène Allison n’apprécie guère les journalistes.

Jointe à sa chambre d’hôtel en plein cœur de l’Angleterre tout juste avant une conférence de presse, la chanteuse est fidèle à sa réputation. Ses réponses nécessitent des pinces chirurgicales pour les extraire.

Découverte en 1995 sur le premier album de Tricky (le désormais classique Maxinquaye) et propulsée internationalement par le sensuel et élégant Felt Mountain en 2000, la dame, épaulée par son inséparable acolyte Will Gregory, proposait trois ans plus tard Black Cherry. Transition aussi surprenante qu’audacieuse, l’opus aux accents électroclash un brin racoleur métamorphosait la muse mélancolique en bombe sexuelle et le discret Gregory en véritable rat de studio. "Honnêtement, il est difficile pour moi de m’imaginer faire de la musique avec quelqu’un d’autre que Will. Musicalement, on fait tout ensemble. Je vois ça comme un travail d’équipe", laisse tomber Miss Goldfrapp.

Accueillie avec une certaine tiédeur par les critiques, la galette déstabilisait avec ses rythmes downtempo hypnotiques, ses accents house et sa myriade de textes provocants. Moins explicitement sexuel, le contenu des chansons de Supernature, nouvelle concoction électronifiée aussi glaciale que maniérée, semble plus introspectif que jamais. "À l’époque, j’avais besoin d’exprimer cette partie de moi, mais maintenant notre humeur est différente. Il fallait passer à autre chose."

Disponible en importation depuis l’an dernier, le troisième opus de la formation atteint finalement les bacs des disquaires en version domestique. Fini les luxueuses orchestrations. Le duo mise dorénavant sur l’énergie de ses compositions. Et le rythme prend le dessus, sur Supernature. Comment ce virage "plancher de danse" s’explique-t-il? "Je ne sais pas. Au départ, nous n’avions aucunement l’intention de produire un album dance. Je ne sais même plus ce qui est considéré comme étant de la dance music de nos jours. Nous aimons les rythmes dansants, mais ça s’arrête là", se contente-t-elle de répondre.

Ancienne DJ ayant cessé ses activités depuis trois ans, Allison a longtemps allumé des nuits avec les vinyles qui lui tombaient entre les mains. Du rock au pop en passant par le disco, tout y passait. Il ne faut donc pas se surprendre de la version 3.0 discoifiée de Goldfrapp. "Beaucoup d’albums de la période disco ont des arrangements de cordes fantastiques et des mélodies épiques up-tempo intemporelles. Nous avons toujours été avides de cette musique. En fait, je puise mon inspiration dans plein de petites choses et je déteste les catégories. Ce qui m’intéresse, c’est de me surpasser chaque fois, d’emprunter des avenues différentes. Sinon, ça ne m’excite pas."

Seul artefact du passé se démarquant avec son alliage de cordes et d’éléments électro, la pièce You Never Know transgresse la nouvelle optique disco-glam du duo. Un brin nostalgique, les comparses? "On ne veut pas se répéter et surtout pas se parodier. On a toujours utilisé des cordes et des synthés et sur tous nos albums, on a aimé expérimenter avec différents climats et textures sonores. Le défi demeure de trouver la touche appropriée pour rendre justice à chacune des chansons. Je ne crois pas que, consciemment, on soit portés à revisiter notre passé et à faire des clins d’œil. Ce serait franchement bizarre."

Ah vraiment? Et cette chanson, Ride a White Horse, n’est-ce pas un clin d’œil direct au Ride a White Swan de T-Rex? "Évidemment, je connais Marc Bolan et T-Rex et je réalisais, au moment de créer le morceau, que les titres étaient très semblables. Je considère que c’est un emprunt plutôt qu’un simple hasard. C’est tout." Insaisissable et candide à la fois… Qui donc percera le mystère Allison Goldfrapp?

Goldfrapp
Supernature
Mute
En magasin le 21 février