Damien Robitaille : Dans la tête de Damien Robitaille
Musique

Damien Robitaille : Dans la tête de Damien Robitaille

Ben oui, t’es un personnage, tout le monde le dit. "Je ne suis pas un personnage! se défend-il en agitant vivement son index comme une baguette de magicien. Je joue dans cette vie où j’ai gagné un rôle!" Il est sérieux. Peut-être pas. Bienvenue dans la tête de Damien Robitaille.

Damien Robitaille: mi-vingtaine, shape de loup-garou en poids comme en poils; auteur-compositeur-interprète de campagne, il pourrait venir de la Louisiane, mais vient de Lafontaine en Ontario; on l’imagine en chemise carreautée et il nous arrive en chemise hawaïenne.

"Mon film préféré, c’est Field of Dreams."

Pourquoi?

"Tu sais, les joueurs de baseball qui sortaient du champ de maïs?"

Ouan.

"Quand j’étais jeune, j’allais me cacher dans les champs de maïs."

Puis?

"Ben, j’étais bien, là."

C’est tout?

"C’est tout."

Damien Robitaille, partout où il passe, se fait du public un nouvel ami. Au dernier Festival de musique émergente de Rouyn-Noranda, au début de septembre dernier, très peu le connaissaient. Avant qu’il finisse son premier refrain, tout le monde – et on n’exagère rien ici – souriait et tapait des mains. Que voulez-vous, il a le charisme qui ne fait pas exprès d’opérer. Naïf comme Ti-Guy La Lune avec la candeur d’Andy Kaufman, on aurait le goût de le pincer tellement il a l’air d’un rêve éveillé.

Sur scène, il est un ovni qui ne se pose pas où on l’attend. Dos droit, regard au fond de la salle: "Peuples de la terre, je suis venu vous annoncer quelque chose de très important!" Et puis il enchaîne aussitôt avec son hymne aux porcs-épics, pour tout le monde une épine indélogeable au fond de la mémoire auditive. La chanson fut primée aux dernières Francouvertes et on soupçonne les organisateurs de l’avoir encore dans la tête, six mois après l’avoir entendue.

Damien Robitaille, quand il vous parle, cherche le mot juste en bégayant un autre mot en attendant. Son rythme est saccadé, éparpillé, éthéré. On met ça sur le dos de son franglais et on pardonne tout à un gars qui l’aurait eu plus facile dans la langue de Johnny Cash. Papa franco, maman anglo, village où le français en arrache, vous voyez le genre… À Lafontaine, c’est son professeur de musique qui lui a dit de se tourner vers le français. Ce qu’il a fait avec succès: ses textes sont soignés, faits d’analogies solides et de rimes imprévisibles.

Damien, qu’est-ce que la langue française te permet de chanter que tu ne peux pas chanter en anglais?

"En français, mettons, je parle d’un chien. En anglais, ben, je dis dog."

Damien Robitaille avait 13 ans quand son père est décédé. "Ça a comme déclenché quelque chose." C’est là qu’il empoigna la guitare, gratta un peu de Nirvana, et se fit ami avec les cordes. "Mon père m’avait acheté un livre pour que j’apprenne la guitare quand j’avais neuf ans, mais dans ce temps-là, ça ne me tentait pas." À Lafontaine, il n’y avait pas grand-chose à faire. "Je vivais loin de la ville. J’allais pas dans les partys, j’étais gêné, je restais à la maison à jouer de la guitare." Tapi dans son sous-sol – il adore les sous-sols et autres pièces-utérus -, il y passa toute sa crise d’adolescence à composer.

Damien Robitaille est un phénomène qui s’explique sur scène seulement. C’est là qu’il prend tout son (non-)sens avec son orchestre de musiciens imaginaires. Pour son grunge crooning éclectique, mais aussi pour ses historiettes qu’il nous sert entre ses airs. Une façon on ne peut plus sympa-sympathique d’entrer dans sa tête.

Le 4 mars à 20 h
Au Théâtre Belcourt
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