Jérôme Minière : Travail à la chaîne

Le décompte est commencé. Jérôme Minière, qui lançait en novembre dernier un double album live enregistré au Grand Théâtre de Québec, songe à se faire plus discret. Bien que les engagements ne manquent pas jusqu’à l’automne, l’auteur-compositeur-interprète au tempérament ludique espace tranquillement les concerts pour se concentrer sur l’écriture.

EXPÉRIENCE OBLIGATOIRE

S’il prévoit réapparaître avec du nouveau matériel dans seulement un an, le père de famille – son poupon signale habillement sa présence au bout du fil par des gazouillis et des pleurs d’insatisfaction – ne demeurera pas silencieux pendant toute cette période pour autant. Il laissera entre autres parler sa musique sur le prochain disque de Michel Faubert, conteur avec qui il a déjà réalisé une série de spectacles en 2003 (Histoires sorcières). C’est d’ailleurs avec le vieux routier qu’il a appris les rouages de l’instantané. "Pour la scène, vu que je suis aussi assez timide, j’avais tendance à me jeter un peu dans le vide, à vouloir y aller sans filet. Ça m’a appris que sur la scène, oui, il y a un élément qui est comme ça, mais il y a aussi une façon de se préparer pour ne pas tomber sur le nez trop violemment. Moi, ce que ça faisait, c’est que mes spectacles étaient très irréguliers. J’avais du mal à établir une moyenne. Maintenant, je pense qu’elle est un peu plus présente, cette moyenne-là", déclare Minière en riant.

Véritable orfèvre, l’ancien étudiant en cinéma qui flirte désormais avec l’électro et la chanson française peaufine toujours ses réalisations jusqu’à ce qu’elles aient le fini désiré. Cela donne naissance à des petits bijoux comme Le Magasin qui n’existe pas ou Miroir. Jérôme Minière ne se cache pas d’avoir un petit côté fonctionnaire. "Je suis quelqu’un d’assez sérieux dans mon genre. Je ne suis pas un gros rocker avec une vie délurée. Quoique ça ne m’aurait pas déplu. Mais je pense que je n’en serais même pas capable, lance-t-il avec du sourire dans la voix. Ma folie se place ailleurs. C’est vrai que j’aime ça travailler régulièrement, tous les jours." Et le live lui donne-t-il parfois de sérieux vertiges, puisqu’il aime que tout soit fignolé juste à point? "Dans la préparation, c’est vrai que je suis un peu pointilleux. Par contre, après, sur la scène, c’est un moment, donc c’est très différent. J’ai eu juste ce sentiment-là quand on a préparé le disque en concert. Parce que là, ça a beau être un moment, après, si c’est un disque, les gens peuvent l’écouter 200 fois. Oui, là, je deviens plus exigeant. Mais sinon, pour ce qui est du moment lui-même, je trouve ça normal que ce soit imparfait et qu’il y ait des surprises. Et c’est ça qui est la beauté du spectacle en fait."

RAYON DES PRODUITS DE RÊVE

Lors de son passage à la Salle Jean-Despréz, Jérôme Minière invitera le public à pénétrer dans le monde d’Herri Kopter, son alter ego spécialisé dans la vente de produits imaginaires, où il dénonce la société de consommation. Un univers qu’il alimente depuis 2002. "Jusque-là, c’était une forme de thérapie pour moi. Ça m’a un petit peu soulagé… pour quelque temps. Je pense que, comme dans les philosophies orientales, il y a du yin et du yang. Il y a des choses qui vont dans un sens et dans l’autre. Je reste convaincu qu’il y a des changements progressifs qui arrivent. Bon, je ne crois pas non plus à une grande utopie, à des lendemains avec des petits oiseaux. Je vois quand même des indices autour de moi qui me prouvent que les gens, des fois, en ont un petit peu marre de tout ça. Je pense peut-être que le plus compliqué là-dedans, c’est de nous démêler nous-mêmes dans ces fils-là, parce que ça nous met nous-mêmes dans des situations contradictoires. Je pense par exemple à l’environnement. On a tous maintenant plus ou moins des idées sur l’environnement. Par contre, si ça intervient dans notre vie quotidienne ou notre confort, on s’aperçoit que ça devient un peu plus complexe", explique Minière, qui dit mener une vie assez simple, loin du luxe. "Je ne me vois pas comme un exemple. Je fais partie de la masse, et j’ai moi-même ces contradictions-là. Je me pose surtout des questions sur l’environnement et je me rends compte que le principal obstacle, c’est nous-mêmes."

Absorbé par son prochain projet d’album et inquiet de se répéter, Jérôme Minière compte offrir une période de vacances indéterminée à son personnage de Kopter. "J’ai souvent alterné les projets, et là, j’ai encore la même envie. Je ne voulais pas faire un épisode numéro deux sur l’économie de marché. Cela aurait été une caricature à mon avis. Donc, là, il y a peut-être des gens qui seront surpris parce que selon moi, ça va être un disque plus intime et qui aura peut-être moins une portée sociale", annonce celui qui devrait s’orienter davantage vers la poésie.

Le 9 mars à 20 h
À la Salle Jean-Despréz
Voir calendrier Chanson