Louise Attaque : L'art du rebond
Musique

Louise Attaque : L’art du rebond

Louise Attaque s’anime à nouveau et revient chauffer les planches québécoises après quelques années d’hibernation. Scindé en deux projets distincts au tournant du millénaire, le quatuor allait connaître d’heureuses retrouvailles, riches en rebondissements.

"On se posait des questions", résume le chanteur, guitariste et parolier Gaëtan Roussel quant aux raisons ayant motivé une réunion de Louise Attaque. "On voulait voir un petit peu ce qu’on avait encore en commun, ce qui arriverait lorsqu’on se retrouverait autour d’une table, ou bien chacun derrière son instrument…"

LE COUP DE VENT

Retour en avril 1997, alors que paraît le premier album éponyme des français Louise Attaque. "Allez viens, j’t’emmène au vent…" Suffisait de cette simple invitation éolienne, doublée d’entraînantes bourrasques de violon et de cadences folk-punk endiablées, pour lancer le bal. Et la réponse n’allait pas se faire attendre bien longtemps: dès le début de l’année suivante, près d’un demi-million de copies étaient déjà emportées par le coup de grain. En février 1999, il était plutôt question d’un véritable ouragan: les ventes atteignaient 2 millions et demi, et le quatuor remportait la Victoire du groupe de l’année, consécration ultime pour un groupe rock dans l’Hexagone. En réponse à ce tourbillon de gloire inattendue, la troupe déposait en 2000 un second recueil plus sombre et éclaté, Comme on a dit, qui s’écoulera pour sa part à plus de 800 000 exemplaires. Puis, à la suite d’une tournée de concerts de cinq mois, il est décidé que Louise a besoin de vacances. Gaëtan et Arnaud Samuel (violon) se retrouvent au sein de Tarmac (albums L’Atelier [2002] et Notre époque [2004]), projet aux sonorités folk acoustiques, alors que le bassiste Robin Feix et le batteur Alexandre Margraff forment Ali Dragon, naviguant davantage en eaux dub, électro et hip-hop.

LA RÉCIDIVE

Puis vint septembre 2003, moment retenu pour des retrouvailles dans le Sud de la France, histoire de trouver réponses aux questions susmentionnées. "Ce n’est pas venu en un mois", reconnaît Gaëtan lorsqu’on lui demande si la réunion fut instantanément fructueuse. "Mais je pense qu’on avait une idée assez définie de ce qu’on allait proposer, chacun d’entre nous dans nos "domaines". Je mets les guillemets parce que c’est perméable; on n’est pas obligés de se cantonner à faire de la batterie seulement pour Alex, puis que du chant et de la guitare pour moi… On avait donc de nouvelles envies, de nouveaux sons, de nouveaux propos, et puis en même temps, une véritable curiosité de voir ce que les autres avaient le goût d’apporter. C’était ce mélange-là: être assez affûté dans ce qu’on avait à dire individuellement, puis en même temps, être bien ouvert sur les trois autres pour savoir ce que le groupe allait dire. Car en fait, Louise, c’est plus que la somme de tous les quatre; c’est ce qu’on en fait aussi. Alors on s’est retrouvés très à l’aise et c’était très fluide de proposer, de rebondir…"

LA VALSE DES REBONDS

Rebondir. Voilà un concept qui reviendra souvent en cours d’entretien. Pas tant l’idée de revenir en force après la pause, mais plutôt celle de profiter au maximum de l’individualité de chaque membre et d’en optimiser l’interaction. "Une chose que l’on sait, et qu’on sait d’autant plus depuis qu’on a repris et qu’on l’a retrouvée, c’est que la manière dont on arrive à être tous les quatre, à jouer ensemble, à se renvoyer la balle et avoir envie de rebondir sur ce que les autres envoient, attraper la balle au bond, la modifier un peu et la renvoyer, c’est quelque chose qui pour nous est la définition même du groupe; c’est pour ça qu’on s’estime être un groupe. En tout cas, c’est comme ça qu’on l’entend, et c’est quelque chose de vraiment très agréable! lance Roussel. Et ce truc-là, à quatre, on ne l’avait pas autrement, ajoute-t-il, en référence aux projets parallèles. C’est quelque chose qui est là, à l’intérieur de Louise Attaque; cette manière d’agir sur les idées des uns et des autres, combinée à une certaine spontanéité aussi, dans la manière de faire avancer les chansons…"

SANG NEUF

Si les deux premiers essais avaient été réalisés par Gordon Gano (Violent Femmes) et Warren Bruleigh, la bande ressentait un besoin de changement pour l’enregistrement de ce qui allait devenir À plus tard crocodile, éclectique et généreuse galette 18 titres conçue à New York et Paris. Cette fois, c’est Mark Plati (David Bowie, The Cure, Deee-Lite, etc.) qui s’est affairé derrière les consoles. "Le studio n’est plus pour nous qu’un endroit d’exécution où l’on vient enregistrer nos idées, souligne Roussel. C’est devenu un lieu de création, un endroit où l’on n’est plus tétanisé par le moment d’enregistrer; on a donc été plus à l’aise d’y mettre nos intentions, nos humeurs et tout ça…"

Ne reniant aucunement ses racines folk-rock, Louise s’aventure néanmoins vers de nouveaux horizons sur ce nouvel essai, comme en témoignent des pièces telles que Shibuya Station ou Sean Penn, Mitchum, frayant avec l’esprit punk-new wave et le dub arabisant. "Pour nous, ce nouveau disque est plus riche de ce qu’on est aujourd’hui, et il est surtout beaucoup plus large, comme on avait envie de le faire, enchaîne Roussel. On avait fait un premier disque, il y a dix ans, très monomaniaque; c’était ce qu’on voulait, c’était ce qu’on était. Aujourd’hui, on en a fait un très large – du moins c’est l’impression -, et c’est ce qu’on est. Peut-être qu’on en fera un plus tard qui sera plus monolithique, à toujours taper sur le même clou, la même idée, parce que ça nous ressemblera. En tout cas, ce que j’espère et ce qu’on souhaite, c’est d’avoir gagné en liberté; pouvoir être à différents endroits et que ça nous ressemble", poursuit-il, estimant être parvenu à concilier les multiples personnalités de l’amie Louise. "Je crois qu’on a bien réussi à mélanger ce qu’on était avant, ce qu’on avait dit il y a 10 ans, et ce qu’on est aujourd’hui, avec un son un peu plus électrique. Puis on a une manière différente de dire aujourd’hui une chanson qu’on avait exprimée d’une certaine façon il y a dix ans… Je pense qu’on a réussi à construire deux heures de concert qui nous ressemblent. Et on monte sur scène avec beaucoup d’envie!"

Le 7 mars
Au Grand Théâtre
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