Torngat : La vie sauvage
Torngat, trio montréalais formé de musiciens émérites, tisse un rock instrumental somptueux qui installe des ambiances où il fait bon se vautrer. À surveiller de près.
Les monts Torngat, qui s’élèvent au nord du Labrador, sont parmi les seules montagnes du Canada à être encore complètement sauvages, à ne pas avoir subi de modification de leur paysage par l’intervention humaine. Quelqu’un qui s’y aventurerait aurait donc à tracer son propre itinéraire et à emprunter un chemin qui s’inventerait à chacun de ses pas. Ce n’est pas une coïncidence si les trois musiciens ont ainsi baptisé leur formation: "Quand nous avons commencé à jouer ensemble, notre travail se basait beaucoup sur l’exploration. On savait où commençaient nos pièces, où on voulait qu’elles finissent, mais pour se rendre entre ces deux points, rien n’était planifié; on bâtissait au fur et à mesure", relate le batteur Julien Poissant.
Quand ils se sont rencontrés, il y a une dizaine d’années, alors qu’ils fréquentaient une école secondaire d’Ottawa, les trois jeunes hommes réunissaient des influences disparates. Alors que Poissant était plutôt adepte de rock psychédélique des années 60, le joueur de cor français Pietro Amato (qui est aussi membre de Bell Orchestre et accompagne parfois Arcade Fire en spectacle) et le claviériste Mathieu Charbonneau étaient davantage tournés vers la musique classique. "C’est notre intérêt commun pour certains artistes free-jazz qui nous a poussés à faire de la musique ensemble et à essayer des choses improvisées du début à la fin. Des artistes comme Ed Blackwell et Donald Cherry qui jouaient avec Ornette Coleman dans les années 60 nous ont entre autres beaucoup inspirés."
Après l’école secondaire, les trois déménagent à Montréal pour poursuivre des études à Concordia et c’est à ce moment que le projet prend réellement forme. Le mode exploratoire qu’ils préconisaient au départ fait graduellement place à des structures qui se profilent avec plus de précision et à des mélodies plus accrocheuses. "On essaie maintenant de trouver un équilibre entre la composition et l’improvisation; on tient à conserver la liberté de se "pitcher" n’importe où à un moment donné, mais en conservant une base vraiment solide pour retomber dessus si on veut. Et ce côté plus compositionnel, on le développe autant en groupe que de manière individuelle. Sur le EP paru l’an dernier, j’ai par exemple composé la pièce La Rouje, alors que Bell Duet est composée en duo avec Pietro et les trois autres titres ont été écrits par nous trois. On souhaite procéder ainsi pour le prochain album." C’est l’été prochain qu’ils prévoient enregistrer ce disque, qui fera suite à leur premier album complet paru en 2002.
Et quel est le contexte idéal, selon le musicien, dans lequel leurs créations puissent être entendues? "Beaucoup d’artistes issus de différentes disciplines m’ont dit que notre musique les inspirait pour la création. Chacun peut écouter nos pièces de différentes manières, mais je trouve qu’il s’agit d’une musique à écouter dans le noir." C’est en effet sans distraction extérieure qu’on se laisse fondre dans cette musique introspective, qu’on perçoit pleinement les subtilités et les textures qu’elle comporte.
Le 4 mars avec Laura Barrett
Dans le cadre d’Under the Snow
À la Sala Rossa
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