Indochine : Au clair de la lune
Le spectre d’Indochine revient hanter les ondes avec Alice & June, album double qui connaît un immense succès en France. On cherche à savoir pourquoi avec son réalisateur, Oli de Sat.
Il ne reste presque plus rien de l’Indochine d’origine. Seul son chanteur, Nicola Sirkis, et son charisme. Une poignée de fougueux musiciens entoure maintenant Sirkis, dont Oli de Sat aux guitares, claviers et programmations, et qui signe la réalisation du dernier-né, Alice & June: "Sur Dancetaria (1999), Indochine recherchait une touche extérieure pour certains arrangements. Je les ai rejoints pour trois titres, et finalement, agréablement surpris par mon travail, ils m’ont confié la plupart des arrangements du disque." Un bel album, Dancetaria, de la pop léchée, peut-être le meilleur opus d’Indochine en 15 ans, et qui n’a pas connu tout le succès qu’il méritait.
Oli de Sat s’insère merveilleusement dans la mythique formation qui enflamma les planchers de danse dans les années 80 avec des bombes comme Troisième sexe, Les Tzars, Trois nuits par semaine: "Indochine fait partie des premiers groupes qui m’ont fait découvrir la musique. Quand Nicola m’a demandé de collaborer avec eux, pour moi, c’était le monde à l’envers! Je n’avais jamais travaillé en musique, je ne connaissais personne, ni fait de concerts. C’était impressionnant, comme un rêve. Ce qui s’est passé, c’est que, comme je faisais de l’art plastique, j’avais envoyé mes trucs (retouches photo, choses graphiques) à Nicola. Ça lui avait plu, donc j’avais fait la pochette du single Satellite. Et parallèlement à ça, je lui avais aussi envoyé des remix d’Indochine que je faisais avec trois fois rien."
Si le groupe a su évoluer musicalement sur Dancetaria, c’est surtout grâce au rock éclectique de Paradize (2002) qu’Indochine a refait surface, oublié, boudé, voire méprisé depuis 12 ans. Le moins que l’on puisse dire, depuis Le Baiser (1990), c’est que l’attention médiatique était ailleurs.
Après le foisonnant Paradize, voici maintenant que la nouvelle formation accouche d’Alice & June, un album double qui trône au sommet des ventes en France: "Au terme de l’album, on s’est retrouvé avec 40 morceaux. Avec Nicola, on s’est dit qu’il fallait faire un tri, on en a donc gardé 20, qu’il nous était impossible de séparer." Le chanteur mène la barque et signe la quasi-totalité des textes: "Il avait commencé à s’intéresser à Alice au pays des merveilles, parce qu’il racontait cette histoire à sa petite fille. Petit à petit, avec les musiques que je lui apportais, Nicola a précisé ses paroles, sans pour autant que ça ne devienne un album-concept. Depuis le début d’Indochine, Nicola a toujours écrit ses textes à partir des musiques. Il lui faut un support, une atmosphère, afin que ça provoque des images et des idées. J’apporte musicalement la couleur du titre, mais ensuite, c’est un dialogue entre lui et moi. Il me demandait mon avis sur les paroles, et de parfois choisir entre deux phrases."
Le hic, c’est qu’Oli de Sat doit choisir entre deux phrases, mais pas des meilleures. La plume de Sirkis, jadis maladroite mais fraîchement attendrissante, devient sur cet album franchement irritante par ses clichés d’adolescent révolté et en rut, comme si le chanteur refusait de mûrir. Une écriture jamais affinée depuis Tes yeux noirs. Ne suffisent plus le rock rugissant et les arrangements savamment ouvragés d’Oli de Sat, les chansons tombent à plat, faute d’accroches.
Indochine
Alice & June
(Sony / BMG)