Mötley Crüe : Le grand déni
Mötley Crüe, profitant d’un salutaire retour en grâce du rock membré des années 80, renoue avec sa propre légende pour s’apercevoir que l’on aura surtout retenu l’enrobage autour de sa musique. Sexe, drogue… et quoi déjà?
Consommation d’alcool, de drogues et de femmes rappelant à la fois l’esprit de modération et la classe d’un buffet chinois à volonté. Brochette d’overdoses, de dépendances, de thérapies. Tournées à n’en plus finir et bouquet d’albums qui apporteront à Tommy Lee, Nikky Sixx, Mick Mars et Vince Neil une immense popularité avec laquelle ils devront composer comme on apprend à marcher. En se cassant la gueule.
À lire The Dirt, biographie cradingue de ce groupe qui a connu la gloire à une époque où le port du chandail en filet rose ne tenait pas nécessairement du costume d’Halloween, c’est à ces quelques phrases que l’on pourrait en résumer la houleuse carrière. Une farce gigantesque. Un monument d’excès et d’autodestruction. Un spectacle dans le spectacle.
"Sauf que The Dirt, c’est un livre, c’est écrit par un auteur…" oppose Vince Neil, bien qu’il cosigne l’ouvrage, à l’instar de ses comparses, avec le journaliste Neil Strauss.
Après s’être interrompu pour donner quelques directives au technicien qui répare les haut-parleurs dans son autobus de tournée, il reprend, poli: "Je m’excuse… Qu’est-ce que nous disions? Ah oui… tout cela est tellement exagéré. Comme pour les gens qui ont fait grand cas de nos chicanes, dont celle qui m’aurait opposée à Tommy Lee. En réalité, ce sont de petites engueulades normales pour des gens qui se connaissent depuis si longtemps et qui vivent toujours ensemble."
Oubliant les thérapeutes qui devaient suivre pas à pas les membres du groupe afin qu’ils ne s’entretuent pas, Vince Neil se fait grand maître de l’euphémisme, où bagarres avec des gangsters yakuza, boulevards de cocaïne, orgies de groupies et son propre renvoi du groupe par ses "amis" se résument à un passé "un peu wild"… Ainsi, il analyse la carrière de Mötley Crüe en faisant preuve d’une nouvelle forme d’excès. Le révisionnisme.
"Je crois que nous avons apporté au rock un esprit de fête, un sens du plaisir qui n’existait pas jusqu’alors, dit-il. Nous avons amené les flashes, les feux d’artifice, les explosions, toute l’idée d’un spectacle et d’une mise en scène qui iraient au-delà de la musique, qui seraient une expérience complète, un gros party." Même si la musique devait souffrir de cet enrobage? "Tu sais, les critiques ne nous ont jamais beaucoup aimés. Le public, lui, par contre, n’a cessé de nous suivre."
Enterré vivant par le grunge taciturne qui accédait au sommet des ventes, Mötley Crüe passera, malgré ce que semble prétendre Neil, une dizaine d’années sous le radar, ses membres ne réapparaissant que pour faire la manchette des journaux à potins, ou pour tenir la vedette d’une télé-réalité et/ou d’un film porno artisanal.
Aussi, le nom de cette tournée carnavalesque n’est pas sans faire sourire. Les accoutrements, les pétards, les filles du public auxquelles on demande d’exposer leurs seins pour la caméra – comme dans le clip de la power-ballade Home Sweet Home: tout cela ressemble à un cirque où règne la nostalgie d’une époque à laquelle le talent pouvait se substituer aux pantalons moulants et à la pyrotechnie. Une sorte de célébration de ce passé de décadence, le tout ramené au goût du jour avant de reprendre le chemin du studio pour un nouvel album réalisé par Bob Rock, qui avait aussi officié aux commandes de Dr Feelgood.
"Je crois que nous sommes quand même plus que cela, affirme Neil. Nous sommes plus qu’un retour de mode, et de nous résumer à ces excès ou de nous classer dans la case "rock des années 80" est assez injuste. Bien sûr, nous avons débuté notre carrière à cette époque, mais nous n’avons rien à voir avec des groupes comme… comme Warrant."
"Nous, nous avons quand même nos noms sur le Walk of Fame à Hollywood", conclut-il modestement.
Mötley Crüe
Carnival of Sins (Live)
Universal