Arno : Quel bazar!
Le Belge Arno revient chez nous après une absence de cinq ans, avec un spectacle inspiré du récent French Bazaar, son vingt-sixième opus, qui vient de remporter le Victoire de l’album pop en France.
"Quel bazar!" lance Arno à chaque détour de conversation. Quel joyeux bordel, oui, que ce monde dans lequel nous vivons! Fin observateur de la société contemporaine, ce Flamand, qui depuis qu’il est tombé en transe en écoutant Elvis Presley chez son ami d’enfance, à huit ans, a pondu 26 albums, chante nos travers de sa voix âpre et rugueuse. Il revient sur le sol nord-américain – il passe par Washington et New York avant d’atterrir chez nous le 31 mars – pour la première fois depuis septembre 2001.
Pour créer French Bazaar, un fourre-tout jouissif de chansons originales et de reprises étonnantes (notamment Knowing Me, Knowing You d’Abba), Arno s’est astreint à regarder inlassablement MTV. De cette expérience troublante pour lui sont nées ces critiques acerbes de notre superficialité et de notre obsession de l’image que sont Chic et pas cher, La vie est une partouze, Chanteur de charme et In love avec une DJ, mais également une inquiétante constatation: "Il n’y a plus d’anarchie! Tous les clips sont pareils: soit on y voit des Noirs encombrés de chaînes en or qui disent "Motherfucker!" même en dormant, soit on nous mitraille des images de femmes avec des nichons gros comme des bulldozers. Ce qui n’a rien à voir avec la rue ni avec le rap! Le rap vient du talking blues, qui chantait l’anarchie; or, aujourd’hui, tout est emballé de la même manière, il n’y a rien en dedans, même pas de message. Je trouve ça triste! On est vraiment dans la merde! Je trouve qu’il n’y a plus de personnalité chez les gens. Tout le monde regarde le même bazar à la télé, parle le même langage; on porte tous des uniformes."
Arno n’est probablement pas le seul à se réjouir de la révolte actuelle des étudiants français contre leur gouvernement, qui veut octroyer le droit aux entreprises de mettre à pied un jeune de moins de 26 ans sans motif valable par l’intermédiaire du contrat première embauche (CPE). "L’uniformisation des gens m’inquiète beaucoup, mais avec cette révolte et cette violence dans les rues, on croirait que ce sont les bons côtés des années 60 qui reviennent. Je suis content et un peu soulagé que les jeunes se réveillent. Quand j’avais 18 ans, un mec de 25, c’était un vieux! Aujourd’hui, on est jeunes jusqu’à la retraite! Pourtant, c’est bien, de vieillir."
Si l’on oublie la différence d’accent, lorsqu’on discute avec un Belge, on a la curieuse impression de s’adresser à un Québécois européen. Cela s’explique peut-être par notre position symétrique par rapport à l’hégémonie culturelle française. La remarque ne surprend guère Arno: "Quand je suis à Montréal, je me sens comme quand je suis à Bruxelles, qui est ma ville d’adoption. On parle plein de langues dans votre ville également. Je ne dis pas ça parce que je parle avec vous, mais quand on me demande où j’aimerais habiter, je dis toujours Montréal. Presque tous les Belges adorent Montréal. On y retrouve le même côté surréaliste. Et vous avez des artistes tellement géniaux: Neil Young, Paul Anka, Joni Mitchell, et tous ces nouveaux groupes… Il faut en être fier!"
FRENCH BAZAAR
LA TRIBU / SÉLECT
Le 31 mars à 20h
À La Tulipe