Jean-Claude Éloy : Rite de passage
Musique

Jean-Claude Éloy : Rite de passage

Jean-Claude Éloy vient présenter deux grandes oeuvres électroacoustiques à l’invitation de Réseaux. Deux expériences rituelles pour saluer l’arrivée du printemps.

C’est un grand coup que fait la société Réseaux en nous présentant deux soirées autour de la musique du compositeur français Jean-Claude Éloy. Son nom n’est pas très connu de ce côté-ci, sans doute parce que l’on ne trouve pas sur le marché d’enregistrement sur disque compact de ses oeuvres. Pourtant…

Après de brillantes études (piano, ondes Martenot) au Conservatoire de Paris, il étudiait la composition de 1961 à 1963 avec Boulez (dont il fut, selon une biographie, "l’élève préféré"). On trouve dès 1968 sa musique dans un programme de la SMCQ, dont l’ensemble interprétait lors du 12e concert de la société sa pièce Équivalences, entre les Symphonies d’instruments à vent de Stravinski et Déserts de Varèse… Fait inusité, la pièce fut jouée deux fois de suite! Et Bruce Mather écrivait à l’époque dans les notes de programme, à propos de cette musique composée par un jeune homme de 25 ans: "Cette oeuvre brève est un des sommets de la musique du XXe siècle"…

Si la musique d’Éloy n’est pas disponible sur CD (bien qu’il existe des vinyles), c’est peut-être parce que l’homme ne cherche pas à ce qu’elle le soit. Le compositeur semble en effet être quelqu’un d’assez discret (il a été impossible de le rejoindre pour cet article…), et il faut dire que plusieurs de ses oeuvres sont de très longue durée (deux à quatre heures). C’est Jean-François Denis, l’un des piliers de Réseaux (avec Robert Normandeau et Gilles Gobeil) qui nous a donné quelques détails sur les deux soirées à venir: "Shânti a aussi déjà été présentée à la SMCQ, en 1977, mais c’était sur un dispositif sonore plus restreint que ce que nous aurons au planétarium". C’est en effet au planétarium de Montréal que les deux concerts seront donnés, une pratique lancée par Robert Normandeau à la fin des années 80 alors qu’il organisait des concerts pour l’ACREQ, pratique qu’il relançait en décembre 2004 pour le premier concert Pulsar. "L’une des raisons pour lesquelles sa musique n’est pas en CD, poursuit Jean-François Denis, c’est qu’elle est fondamentalement multiphonique. L’arrivée du DVD surround pourrait fournir une avenue pour remédier à cette absence, mais le simple CD serait insuffisant, du moins pour ses musiques électroacoustiques."

Jean-Claude Éloy s’est imprégné de philosophie orientale et si les musiques non occidentales ont une grande influence sur sa musique à lui, ce n’est pas par goût pour l’exotisme, mais plutôt parce qu’il cherche à réaliser une synthèse globale des musiques existantes. Les deux concerts présentés par Réseaux, pour lesquels le compositeur sera sur place afin de diffuser lui-même sa musique, seront d’ailleurs des expériences très particulières, la musique étant déjà présente lorsque le premier auditeur arrivera, et ne se terminant que lorsque le dernier aura quitté, sans présentation préalable, et sans applaudissements à la fin (puisqu’il n’y en aura pas…). "Ça créé un climat très particulier, explique Jean-François Denis, qui exacerbe l’aspect "rituel" du concert avec, en plus, le fait que le planétarium est aussi un lieu assez particulier."

Le premier soir on entendra donc Shânti (1973), un mot sanskrit qui signifie "Paix", et que le compositeur présente comme une "musique de méditation pour sons électroniques et concrets". Il faut cependant savoir que le compositeur considère qu’"aucun concept ne saurait exister sans son contraire" (notes de programme). Il ne faut donc pas forcément s’attendre à une expérience new age… Cette pièce dure 140 minutes. Le lendemain, c’est la fresque en quatre parties Gaku-no-Michi (la voie des sons et de la musique), de 1978, pour sons électroniques et concrets, qui sera présentée (en près de quatre heures). Bruits ambiants de Tokyo, discours politiques, chant nationaliste des pilotes de combat ou annonces commerciales de télévision seront de la partie. À découvrir.

Les 29 et 30 mars
Au Planétarium de Montréal
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