The Sainte Catherines : L’Art de l’arrogance
The Sainte Catherines est devenu le premier groupe québécois signé sur l’étiquette Fat Wreck Chords. Le fruit de six ans d’efforts et de sacrifices multiples.
La mise sous contrat du groupe montréalais The Sainte Catherines par Fat Wreck Chords, emblème du mouvement punk californien des années 90, n’a absolument rien à voir avec celle d’Arcade Fire par Merge ou celle de Wolf Parade par Sub Pop. Par son contexte, l’entente entre la maison de disques fondée par Fat Mike (NOFX) et la troupe originaire du Centre-Sud a bien plus de valeur, car elle ne témoigne en rien d’une vague alterno au goût du jour et forcément éphémère.
Avant d’apposer sa griffe au contrat l’automne dernier, le sextuor existait depuis six ans. Il avait donné plus de 400 concerts dans 9 pays différents, en plus de lancer 3 galettes, dont 2 albums complets parus sur l’étiquette Dare to Care. DTC a d’ailleurs été co-fondé en 2001 par le chanteur du groupe, Hugo Mudie, et par Eli Bissonnette.
Aujourd’hui, Hugo n’a plus aucun lien avec la gestion du label. Les Sainte Catherines lui ont bouffé trop de temps. En fait, avec ses multiples tournées canadiennes, américaines et européennes, l’aventure a littéralement absorbé ses six protagonistes. "Un an après la naissance des Sainte Cat’, j’avais décidé que le groupe se rendrait jusqu’au bout, lance Hugo Mudie. Je savais qu’en travaillant vraiment fort, nous arriverions à jouer à travers le monde, à intéresser un label américain – petit ou gros, ça n’avait pas d’importance – et à devenir copains avec les formations que nous respections (Hot Water Music, The Broadways, Against Me!). Mais pour ça, il a fallu consacrer notre vie à la musique. Nous y avons sacrifié nos blondes, nos boulots, nos amitiés, nos économies et même notre santé."
Dans le plus profond esprit DIY (do it yourself), c’est en investissant toutes ses économies dans la production de ses albums et dans l’organisation de ses tournées que la formation aux racines punk old school et hardcore a atteint ses objectifs. "C’est facile d’expliquer ça maintenant, car nous avons réussi, mais à 25 ans, j’ai l’air d’en avoir 35. Les gens ignorent ce qu’est une tournée broche à foin. Nous avons dormi dans des fossés d’autoroute et sur des bancs de parc. Nous avons donné des concerts devant une seule personne: le sonorisateur qui nous remettait 10 $ à la fin du spectacle. Nous nous sommes battus contre des bouncers. Nous sommes arrivés dans des villes où la salle qui devait nous accueillir n’existait même pas. Ça n’a rien de bien prestigieux. Et passer trois mois à se coucher à cinq heures du mat, à boire sans arrêt, à consommer toutes sortes de drogues et à fréquenter toutes sortes de filles, ça vous "fucke" le système."
Ces différentes réalités de la vie brûlée en gang dans une camionnette, elles se retrouvent immortalisées dans les textes des Yesterday’s Ring (projet country parallèle du combo) et dans ceux de Dancing for Decadence, compact lancé par Fat et enregistré à Montréal par Hugo (voix), Marc-André (guitare), Fred (guitare), Louis (guitare), Pablo (basse) et Rich (batterie).
Assis dans son appartement de la rue Chapleau, Hugo s’avoue particulièrement fier à l’écoute du disque, qui jouit d’une réalisation (Alex Newport) à la hauteur des rêves des Sainte Catherines. Barbu, tatoué jusqu’aux oreilles et capable d’ouvrir une bouteille de bière avec ses dents -celle-là même que le journaliste n’arrivait pas à décapsuler avec ses mains -, l’homme semble plus serein qu’il y a trois ans. Une période où il refusait le 9 à 5 et pouvait vivre avec 2000 $ par année; un montant accumulé en donnant des concerts et en vendant des disques et quelques toiles peintes dans ses temps libres.
À cette époque où l’X était le point de rencontre de la communauté punk montréalaise, tous connaissaient déjà Hugo. En raison de son arrogance, témoin d’une détermination sans borne, et de son look intrigant (les trous dans ses lobes d’oreilles étaient si larges qu’il y coinçait des bouchons de liège), les avis étaient partagés. Certains y voyaient le leader du meilleur groupe punk en ville; d’autres y percevaient un égocentrique de première jouant le wanna-be rock star. "J’étais un jeune frustré et peu parlable, confie le principal intéressé. J’aimais prétendre être le meilleur. Les autres pouvaient tous aller chier. Aujourd’hui, je suis capable de discuter sans envoyer promener les gens, mais mon ego reste très fort. Je ne m’en cache pas. Quand j’entre dans une pièce, je veux devenir le centre d’attraction. Cette attitude est discutable, je sais, mais je chante dans un groupe punk. Je me dois d’être charismatique. Il n’y a rien de plus plate qu’une formation sans âme. Et c’est probablement ma tête de cochon qui m’a permis de me rendre où je suis maintenant."
Cette rage et ce désir de provoquer, de s’investir complètement dans son art, de vivre sans compromis le rêve DIY et de s’attirer le respect à force d’efforts soutenus et de sacrifices, vous les sentirez à l’écoute de Dancing for Decadence. La fureur punk d’une mission accomplie.
Le 25 mars à 19 h (pour tous)
Au El Salon
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