Cesaria Evora : Je voudrais voir la mer
Musique

Cesaria Evora : Je voudrais voir la mer

Cesaria Evora lance son 10e album. Les chansons de Rogamar célèbrent, plus que jamais, la beauté du Cap-Vert, son histoire, les amis exilés et l’espoir en un avenir meilleur.

Cesaria Evora reste fidèle à elle-même. Déjà, sur ses albums antérieurs, et particulièrement sur les émouvants Café Atlantico et Sao Vicente Di Longe, elle abordait plusieurs éléments de la culture cap-verdienne: la gloire passée de Mindelo, la capitale de son île, Sao Vicente, le courage de ses femmes, le plaisir de chanter. Sur Café Atlantico, une chanson de ce magnifique poète qu’est Teofilo Chantre, Roma Criola, évoque l’âge d’or de la capitale, son architecture, son caractère cosmopolite.

La mer est la source première de Rogamar, oeuvre qu’elle vient présenter à Ottawa en concert. La mer qui tantôt sépare, tantôt réunit, la mer confidente: "La mer est le lieu qui ressource. Les émigrants partent vers la mer. Quand on a le cafard, elle nous procure un apaisement. On est encerclés par la mer. On ne peut pas y échapper. Alors, c’est naturel de la prier. Plusieurs chansons expriment les difficultés du quotidien, mais on n’a pas que du désespoir. Il y a de belles choses: le soleil, les plages, les gonzesses, des variétés de poissons. Chaque année, au mois de février, il y a le carnaval avec sa musique, ses costumes, ses défilés. Y a pas que de la souffrance. Y a de bons souvenirs. Et surtout la capacité des Cap-Verdiens de se relever."

En chantant Sao Vicente, c’est le Cap-Vert, c’est toute l’Afrique que Cesaria Evora célèbre: "Un des thèmes principaux de ce disque, c’est l’émigration. Tous n’ont pas les moyens de payer le coût d’un bateau. Certains montent clandestinement à bord de yachts de touristes puis tentent d’offrir leurs services." Sans doute la chanson la plus forte de l’album, Sao Tomé na Equador, écrite par Teofilo Chantre en collaboration avec Ray Lema, rappelle l’exil des Cap-Verdiens vers les plantations de Sao Tomé au début du 20e siècle: "Il s’agit de deux îles au large de l’Angola. À l’époque de la colonisation, les Cap-Verdiens durent travailler dans les champs de cacao et dans les champs de bananes."

Les chansons de Cesaria Evora rayonnent plus que jamais sur la planète. L’artiste éprouve un grand bonheur à faire connaître la culture de son pays dans le monde: "Le public me donne de l’énergie, de la confiance en moi. Si la santé me le permet, je vais poursuivre ma route." C’est le grand chanteur Bana qui a donné une chance à Cesaria Evora. Maintenant, elle ouvre la porte à une toute nouvelle génération d’artistes cap-verdiens comme Tcheka, Vadu, Lura. Le 2 décembre 2004, Evora et Lura se retrouvaient sur la scène du Colisée de Lisbonne pour un concert dont le but était de venir en aide aux Cap-Verdiens en exil. Peu de gens savent que l’un des plus grands musiciens de jazz afro-américains, Horace Silver, l’un des grands initiateurs du style hard-bop, est le fils d’un immigré cap-verdien débarqué à New York vers 1928! Plusieurs observateurs suggèrent que Cesaria Evora est à la morna ce qu’Amalia Rodrigues est au fado. Il ne faut surtout pas réduire la morna à une simple complainte nostalgique, mais plutôt y voir un véritable chant de résilience. Un livre (Véronique Mortaigne: Cesaria Evora: La voix du Cap-Vert) et un DVD (Cesaria Evora: Morna Blues, réalisé en 1995 par Anais Prosaic et Éric Mullet) cernent bien l’apport de la chanteuse à sa culture.

Le 9 avril
À l’Église unie Dominion Chalmers