Kleztory : Histoire de pirouettes
Les musiciens de Kleztory se joignent à l’OSQ pour deux concerts aux accents festifs. Une mise à l’épreuve pour les musiciens en queue de pie, qui se frotteront aux prouesses acrobatiques du groupe.
Le groupe Kleztory, comme le klezmer, est un amalgame de nationalités et de rencontres fortuites. La rencontre du guitariste Alain Legault et du contrebassiste Mark Peetsma avec le clarinettiste Aira Ichmouratov, originaire de Kazan en Russie, est typique de ces anecdotes qui accompagnent la formation de divers ensembles musicaux. "Aira venait tout juste d’arriver à Montréal, explique Henri Oppenheim, accordéoniste dans Kleztory. Il jouait dans la rue, n’ayant pas vraiment d’autres possibilités. Alain et Marc recherchaient un clarinettiste. C’est comme ça qu’ils l’ont trouvé." Le noyau central du groupe était formé. En 2002, l’ensemble intègre la violoniste Elvira Misbakhova, de Kazan elle aussi, et l’accordéoniste Henri Oppenheimer, notre interlocuteur, qui combine à son rôle de musicien ceux d’arrangeur et de compositeur. "Pour le répertoire, on choisit ce que l’on aime, explique en toute simplicité l’accordéoniste. Nous jouons pour nous en fait, sans trop nous attarder sur les incontournables. Nous essayons d’éviter tout ce qui est rabâché. Je n’ai rien contre les Yeux noirs, mais… on peut s’en passer."
Après un disque autoproduit, Kleztory se fait connaître par une collaboration inespérée avec l’orchestre I Musici et son chef Yuli Turovsky – ce qui conduit à la parution d’un disque sur étiquette Chandos, il y a deux ans. Du klezmer au caractère symphonique, qui conserve l’esprit spontané de sa forme musicale festive. "On a eu un plaisir fou avec cette rencontre, souligne Henri Oppenheim. C’était un mariage naturel à tous points de vue. Yuli est fantastique, très exigeant, mais la fougue y était. Ce sera, dans l’ensemble, le même projet qu’on produira avec l’OSQ. Une partie écrite pour l’accompagnement avec quelques solos pour le premier violon et la clarinette. On ne veut pas mettre trop de pression, mais ils seront servis, dit-il à la blague. Nous, on se contente de faire des pirouettes et de s’amuser."
Pirouettes musicales, bien entendu, qui montrent à quel point l’humour, dans cette musique juive, est fondamental. Dans cette musique empreinte d’un esprit tragique, où tout s’exprime par la fête et la musique pour faire oublier une condition humaine d’exil et de labeurs. "Le regard que l’on porte sur le destin est à l’origine de cet humour, avance Henri Oppenheim, seul musicien juif de Kleztory. C’est un refuge en quelque sorte. On se distancie de tout, on rit de nous-mêmes, de là toutes ces pirouettes. Même les plus croyants exercent un recul par rapport à Dieu et à la religion. C’est une façon de croire à moitié." À une certaine époque, le klezmer fut marginalisé dans la communauté juive. Il a su être réhabilité, entre autres aux États-Unis, comme un critère d’identité universel. Question délicate: se sent-on engagé dans une cause pour autant? "Non, ce n’est pas une obligation, précise-t-il. Il faut prendre en considération qu’il y a des gens qui se sont battus pour cette expression culturelle. L’engagement, il est là. C’est une prise de conscience, voilà tout."
Le 7 et 8 avril
Au Grand Théâtre
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