Beth Orton : Moments intimes
Musique

Beth Orton : Moments intimes

Ce printemps, Beth Orton sillonne l’Amérique avec une poignée de chansons intimes dont elle parle peu. Difficile conversation avec la chanteuse coincée dans un aéroport.

Si, comme les statistiques le rapportent, l’aéroport de Chicago est le plus achalandé de toute l’Amérique, il est aussi visiblement le plus bruyant. Placez-y une asperge étourdie dans une cabine téléphonique. Enterrez sous le bourdonnement de la foule son inhabituel accent british. Ajoutez-y son peu d’appétit pour la confidence et vous comprendrez qu’il n’y avait pas grand-chose à tirer de la grande Beth Orton en ce premier lundi d’avril.

On apprendra tout de même à propos du très beau Comfort of Strangers que c’est de son propre chef qu’Orton tend sur ce dernier disque vers un folk naturel dont elle a retiré toute trace de ces épatants enjolivements électroniques habituels: "Le climat original de ces chansons imposait des musiques très sobres, crie-t-elle, agacée, j’ai d’abord produit cela moi-même et simplement voulu tout enregistrer avec une seule guitare. Et puis, tout de même, peu à peu, il s’est glissé plus de sons là-dedans que je ne l’envisageais au départ."

OEuvre profondément intimiste à situer entre le parcours initiatique et le chemin de croix, Comfort of Strangers, du premier au dernier titre, est un album personnel portant la marque des départs. Un soliloque répertoriant toutes les réactions de protection possibles à de douloureuses ruptures affectives. Silence, indifférence, optimisme fragile, raisonnement et consolation à travers de nouvelles rencontres. Froideur et inconfort sur la ligne, l’envie peut-être de le taire après l’avoir tant chanté: "Oui, c’est vrai, bredouille Orton après un très long silence. On perd les gens de bien des manières mais, effectivement, j’ai perdu quelqu’un. Oui… dans les dernières années…"

Conclure sur ce disque que l’ultime solution aux chagrins serait de se retrouver dans des bras étrangers ne serait-il pas un discours extraordinairement différent de celui tenu dans la chanson d’amour? Une poétique presque féministe rarement entendue depuis Carly Simon, Joni Mitchell et les errances affectives de Hejira?

"Euh… je ne vais pas répondre à ça, je crois que ce serait vraiment déprimant de voir les choses seulement comme ça. Il n’est pas strictement question de ce genre de confort, je crois, mais de présences étrangères: les gens entrevus dans les salles, les spectacles, les tournées, les voyages… Je ne sais qu’ajouter. Je me suis jetée dans ce sujet pour que ça soulage, sans vraiment avoir le choix."

De sa tournée américaine à quatre et des villes d’Australie qui viendront ensuite, Orton dira cette banalité déconcertante: "Je ne verrai pas de nouvelles villes, mais les tournées, ça peut être aussi difficile que réconfortant."

Une dernière question vaseuse sur le public du Canada et de Montréal manque de passer à la trappe si ce n’était qu’Orton a des amis dans le coin: "J’entends rien de ce que vous dites!… Nooon, je connais pas la ville… jamais vue vraiment… ouiiii… j’ai fait du ski de fond avec Kate et Anna McGarrigle dans les Laurentides. C’était terrible. Je chutais tout le temps et j’ai fait tomber toute la famille. J’étais toujours dans le fossé sur le derrière. Ça, c’était très drôle." J’ai presque cru entendre rire au loin…

Le 7 avril
Au Club Soda
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