Amélie Veille : L’insoutenable légèreté

Au bout du fil, la voix cristalline d’Amélie Veille coule comme un ruisseau au printemps. Pleine d’assurance, l’auteure-compositrice-interprète de 24 ans a du mal à cacher sa fébrilité; Un moment ma folie vient tout juste de se retrouver sur les tablettes.

Si son premier disque éponyme avait produit de belles fleurs – il avait été en nomination pour l’album folk contemporain de l’année en 2004 à l’ADISQ -, elle n’a jamais douté du magnifique jardin que pourrait engendrer le second: "J’ai eu un bon accueil de la part des critiques et du public, mais je pense que la plupart des gens ont encore de la difficulté à mettre le nom sur le visage. J’ai encore tout à montrer. Et c’est ça qui est le fun. Mon premier album m’a permis d’acquérir une certaine forme de reconnaissance. Je peux donc juste aller de l’avant. Je n’ai pas senti de pression, au contraire. J’ai senti que j’étais dans la position idéale."

L’écriture d’Un moment ma folie a cependant coïncidé avec une période ombreuse, où la chanteuse se posait des tonnes de questions. L’âge peut-être? Les mots qui naissent sous sa plume fuient alors les zones de lumière. Amélie Veille s’interroge sur le futur, l’amour et ses drôles de rouages, la difficulté d’être soi dans un monde d’images… La joie de retrouver Toyo, le directeur musical de sa dernière tournée, pousse les nuages au loin. Le soleil émerge soudain de la grisaille. "À partir du moment où je suis entrée en préproduction avec Toyo – surtout qu’on était à la fin de l’été et qu’on était très heureux de se revoir pour travailler sur un nouveau projet -, il y a eu beaucoup de joie, beaucoup d’harmonie, beaucoup de lumière. En studio, avec les musiciens, c’était toujours les éclats de rire, les idées qui fusaient de partout. Tu sais, des fois, il y a des albums qui sont faits dans la tension. Là, il n’y a pas eu de tension; le processus s’est passé dans la joie. Et je pense que ça s’entend lorsqu’on écoute l’album."

Un album pop sincère et aérien donc, sur lequel la jeune femme aux cheveux d’ébène fait fi des apparences et se permet d’être ce qu’elle est. "Je constate, dans ma vie et autour de moi, qu’il y a certaines valeurs sociales véhiculées qui sont très axées sur le paraître, sur le faire, sur l’avoir l’air de… Et à un moment donné, on peut se leurrer en s’identifiant à des valeurs qui ne sont pas nécessairement les nôtres. Et j’avais une volonté d’exprimer ça." Par exemple, sur Je cherche quelque chose, elle s’attarde à tous ces petits bonheurs simples qui nous donnent parfois l’impression d’évoluer dans une vie en Technicolor. "C’est con, mais ce sont des petits petits détails – comme ce que ça sent dehors, dans la nature, quand il vient juste de pleuvoir – qui nous font nous rendre compte que la vie est merveilleuse. Ce sont des petits instants de magie. Et c’est lors de ces moments-là qu’on arrête de sentir un manque ou un vide à l’intérieur de soi. Et dans la chanson Je cherche quelque chose, je voulais décrire le plus de ces petites choses-là pour arriver à définir cet état de plénitude qu’on peut ressentir par moments et qui ne dure vraiment pas longtemps, mais pendant lequel tout semble à sa place", dit-elle doucement.

Sujet incontournable, l’amour occupe la majeure partie des pièces de l’album. Un sentiment qui oscille constamment entre le jour et la nuit. Si on s’aimait au paradis le résume bien. "Dans le fond, dans cette période-là, j’avais l’impression que ce qui rendait l’amour impossible, c’était tout ce qu’il y avait autour. Des fois, tu as deux personnes qui s’aiment, mais le contexte n’est vraiment pas bon. Mais quand je repense à cette chanson-là aujourd’hui, je me dis que ce n’était peut-être pas le contexte finalement! Probablement, qu’à mon âge, il y a beaucoup de jeux. C’est quoi la part de l’amour dans les jeux de séduction? Jusqu’à quel point c’est de l’amour? Jusqu’à quel point c’est de l’égo? C’est un peu ça, la question", conclut-elle.

Amélie Veille
Un moment ma folie
Les Disques VivaMusik