Guy-Philippe Wells : Le meilleur des deux mondes
Féru de politique, Guy-Philippe Wells succombait à la chanson après un captivant séjour dans les coulisses du pouvoir. Des sondages d’intention de vote aux focus groups des grands réseaux radiophoniques, rapprochements entre deux mondes pas si lointains.
L’auteur, compositeur et interprète Guy-Philippe Wells est né à Chicoutimi, à la fin des années 60. "Certains viennent de familles de musiciens; moi, c’était une famille intéressée par la politique", expose-t-il, délaissant un moment ses préparatifs de tournée. "Et ça m’a toujours intéressé; depuis que je suis petit. Mon grand-père maternel a toujours été proche du monde politique et il a toujours eu des opinions assez tranchées; il était très nationaliste…"
Si Wells se passionne pour la chanson dès l’aube adolescente, c’est comme recherchiste pour le Bloc québécois et conseiller de Lucien Bouchard qu’il gagnera d’abord sa vie. Mais après le référendum de 1995, il rajuste son tir. S’imaginait-il la chanson plus utile que la politique? "Ce n’est pas dans cet esprit-là que j’ai fait le saut, remarque-t-il. Mais à la fin des années 90, je trouvais que le milieu de la politique s’était assez dégradé. Jusqu’en 1995, c’était assez excitant; il s’est passé beaucoup de choses puis on avait l’impression que ça prenait une direction, que la souveraineté était possible, et je me souviens y avoir travaillé avec beaucoup d’enthousiasme. Mais après le référendum, ça s’est "effouaré", puis là, on est dans le fond de la cave. Alors je ne regrette pas d’être parti; ce qui s’est passé depuis me confirme que j’ai fait le bon choix. Mais si on avait gagné en 1995, je n’aurais probablement jamais enregistré ces chansons-là!" note celui qui lançait en août 2005 un premier album de chansons à saveur pop rock, Futur antérieur (De l’onde). "Mais je pense qu’à un moment donné, ça va arriver. À mon sens, c’est la nature des choses: un État pour un peuple, avec les gens qui participent en restant ouverts, en partageant des pouvoirs avec les autres; c’est pas compliqué. Qu’on devienne responsables de nous-mêmes, ça m’apparaît inévitable."
Inspiré par ces "chanteurs qui racontent des histoires" tels Moustaki, Brassens ou Cohen, Wells dépeint la vie et le monde avec humour, ironie, et un réalisme parfois cru, refroidissant même de sa langue aventureuse certains programmateurs radio, plus confortables avec le conformisme et la retenue de nombreux artistes. Relents de colonisation? "(rires) Je sais pas… C’est pas comme ça partout non plus! souligne-t-il. Mais on m’a expliqué comment fonctionnaient les radios: elles font des espèces de focus groups et font écouter 20 secondes d’une chanson puis demandent: "Si vous entendez cette pièce-là, vous changez de poste ou vous rester à la station?" Tu ne fais pas écouter 20 secondes d’une chanson à des gens en leur demandant de choisir; c’est sûr que tu te retrouves avec ce qui est immédiatement accrocheur, ce qui est plus simple et ce qui est formaté pour que ça marche. Alors, il y a une espèce de logique perverse qui s’installe là-dedans, faisant en sorte que ça devient n’importe quoi. Mais je pense que les radios commerciales se font plus de tort que de bien, et que tout ce qui est formaté comme ça, tranquillement, est appelé à disparaître", avance-t-il, invoquant la popularité croissante des radios universitaires et communautaires. "Les gens deviennent de plus en plus indépendants, alors les grosses radios perdent tranquillement leur monopole. Quand on s’adresse à l’intelligence des gens, on se trompe jamais…" Même si plusieurs études tendent à montrer qu’ils votent avec les sondages et peinent à décider eux-mêmes de ce qu’ils aiment comme musique? "C’est vrai qu’il y a un effet d’entraînement extraordinaire; tout ce qui est plus voulu devient plus désirable. C’est comme la fille au bar; ton chum te dit: "Celle-là, je la trouve vraiment cute." Et tout d’un coup, elle devient plus jolie que les autres…"
Le 14 avril
Au Côté-Cour
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