Marjo : Le doux chagrin
Musique

Marjo : Le doux chagrin

Marjo, petit rat de ville mué en rat des champs, remonte sur scène avec neuf nouvelles chansons sur l’amour: ses extases, ses écueils.

Presque quatre ans d’exil. Quatre ans durant lesquels, à Saint-Irénée dans Charlevoix, entre balades et flâneries, la vie fut un long fleuve tranquille plus près de la nature et des tomates de jardin que des projecteurs et des vertiges du top 10.

Ce qui devait être une autre de ces périodes où Marjo, selon son habitude, s’isolait pour chercher ses mots s’est éternisé sans qu’elle n’écrive une traître ligne. Car il fallut subitement prendre le temps de faire le deuil de 22 ans de vie commune avec Jean Millaire, son guitariste et surtout unique compositeur depuis les tout premiers débuts. Un amour de muse dont les traces persistent encore sur les neuf chansons de Turquoise: "Après cette rupture, j’aurais pas supporté de rester proche de Jean à Montréal, alors j’ai fait le vide là-bas et recherché la paix… Fallait que je passe par là… Oui, le disque parle beaucoup de ça, mais maintenant, c’est final bâton! Là, ça va mieux, et puis j’ai quand même eu des amoureux qui m’ont inspirée", dit-elle en un sourire.

Exposant les contradictions de l’auteure entre la peur de perdre et la difficulté de rester, Turquoise ne traite doucement que d’amour; d’avant, de pendant et… d’après, puisqu’elle y répète abondamment son désir de faire germer l’amitié sur les vestiges de l’amour. Un exercice souvent périlleux qu’elle a dû réalistement mettre en pratique quelques années après la rupture: "Je ne connaissais que Jean Millaire pour faire des musiques. Alors malgré la rupture affective et une fois que la douleur a été passée, on s’est retrouvés l’an dernier. Et ça s’est très bien déroulé parce que c’est heureusement un homme généreux et d’une grande patience. Il apportait idées et repartait simplement ensuite. Il m’a donné des mélodies qui m’ont permis d’écrire plus facilement que jamais."

De cette relation désormais strictement professionnelle sont surtout issues une remarquable poignée de ballades fluides de la trempe de Je sais ou S’il fallait, un genre qui a déjà catapulté Marjo au-delà des 250 000 copies vendues. Mais toujours en proie à son rapport amour-haine avec le tabac ou la nervosité de la grande ville, la fille tient à avertir que malgré son exil champêtre et les tonalités pastel d’Azur, elle n’a pas plus cessé de brasser que de fumer: "Millaire tient tellement à ce que tout soit mélodieux… Je lui demande de m’écrire des rocks qui déménagent, mais il ne fait pas facilement ce que je veux. Sauf que je dispose d’un grand répertoire depuis le temps. Alors, maintenant, on a commencé les spectacles et, subitement, on dirait que Corbeau a ressurgi, comme si j’avais jamais abandonné cette vie de fous du temps où j’étais tellement maigre que je faisais peur à ma mère! Quand je sors de scène, on peut encore me tordre. Ça déménage! Le rock’n’roll, c’est mon gaz!"

En septembre, Marjo a troqué la côte de Charlevoix contre les hauteurs de Morin-Heights. Là, il lui reste la commodité de l’eau et des bois et, bien sûr, la proximité de la métropole pour des mois chargés à souhait: "Donnez-moi des contrats, je vais aller partout. Je suis pas revenue pour m’asseoir sur la table. Y’a déjà des engagements pour 2007 et c’est parfait comme ça!"

Nouvelle gérance, nouvelle maison de disques, après des années de flirt assidu avec plusieurs professionnels du milieu qui voulaient signer avec elle, Marjo a remis entre de nouvelles mains une partie de sa destinée professionnelle actuelle. Mais pas trop, et jamais pour longtemps: "Oh non, moi, cette sécurité ne m’est pas nécessaire, je ne signe jamais rien au-delà d’un seul album avec qui que ce soit. Ensuite, je vois où ces relations professionnelles me mènent, car je demeure très proche de tous les aspects de mon métier, de l’enregistrement jusqu’à la mise en marché… Je suis curieuse, je veux toujours savoir tout ce qui se passe."

Cette fois-ci, malgré les insistances de Marjo, Millaire n’est pas allé jusqu’à prendre la route avec elle. La chanteuse a donc recruté non pas un mais bien deux guitaristes pour l’accompagner. Mais dans la loge de chaque salle visitée, avant chaque concert, elle sait déjà qu’elle va d’abord déposer près de la table de maquillage un petit objet fragile: "À mon anniversaire, Jean m’a remis une carte avec une libellule qui dit: "Même si notre amour a changé, tu restes précieuse dans mon coeur; fonce, c’est comme ça que je t’aime." Ce bout de papier, c’est mon porte-bonheur."

Et dans le livret de son disque, tout juste à une page du dessin d’une petite libellule posée sur un brin d’herbe, ces phrases: "Quand au nom de l’amour rien n’est jamais fini/C’est comme s’il y avait quelqu’un au loin/qui berçait les chagrins qui nous hantent".

Le 15 avril
Au théâtre du Palais municipal
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