Ali Farka Touré : Bamako blues
Musique

Ali Farka Touré : Bamako blues

Ali Farka Touré, le bluesman malien que l’on surnommait "le John Lee Hooker du vieux continent", est mort à Bamako, juste après avoir gagné un deuxième prix Grammy. Des musiciens d’ici lui rendent hommage.

Une tradition séculaire en Afrique, liée à la décomposition des corps, veut qu’il y ait des dates très précises pour les hommages suivant un décès. Vaincu par un cancer, le grand Ali Farka Touré s’est éteint à Bamako le 7 mars dernier, et donc, 40 jours après, quelques musiciens originaires du Mali et du Sénégal se réunissent dimanche à Montréal pour honorer sa mémoire. À leur tête, Zal Idrissa Cissoko, un chanteur et joueur de kora qui vit au Québec depuis sept ans. Il a travaillé avec, entre autres, les frères Diouf, Richard Séguin, Lilison, IKS ainsi qu’avec le Cirque du Soleil à Las Vegas, pour le spectacle O. Touré le fascine.

"Je l’ai vu à Dakar en 1986 au festival Le Printemps des cordes. Je ne lui ai jamais parlé, pourtant il m’a énormément marqué. D’abord à cause de son extraordinaire potentiel comme guitariste et compositeur, mais aussi par le fait qu’il était un messager de l’actualité. Il chantait la vraie vie de son village. C’était quelqu’un de très simple et naturel, prêt à parler à tout le monde. Il ne se prenait pas pour Farka. Ce n’est pas évident de trouver ce genre de personne."

Ali fut un messager, une courroie de transmission. Mais il était avant tout un paysan et drôlement fier de l’être. Celui qui disait: "L’Afrique, ma source, mon repère, mon bonheur…" cultivait le riz, le mil et l’arachide dans ce village quasi désertique de Niafunké, qu’il a refusé de quitter en 1999, lorsque l’étiquette Nonesuch lui offrit de faire un nouvel album. L’ingénieur Nick Gold dut faire venir une génératrice et des kilomètres de câble pour enregistrer le magnifique album sur place. "Il n’a jamais voulu habiter en Occident, précise Zal. Il s’impliquait sans cesse dans toutes les activités de sa région. Financièrement, au niveau de l’agriculture, il payait de sa poche." Personne ne s’est donc étonné lorsque Ali est devenu le maire de sa bourgade. Ry Cooder l’a rejoint à l’hôtel Mandé, sur le bord du fleuve Niger, pour enregistrer In the Heart of the Moon, alors qu’il était déjà très malade.

Alors, quoi jouer pour l’occasion? "Un répertoire très varié, répond posément Cissoko. On va certainement faire quelques morceaux de lui, comme Syngia et Kaira. Mais aussi d’autres compositions, des musiques semblables, des airs du répertoire mandingue. Ce qu’il y a de bien avec Ali, c’est qu’il ne se cantonnait pas dans un style régional. Il avait une vision beaucoup plus large et transcendait les frontières pour toucher à plusieurs genres de musique africaine."

Les musiciens qui se réunissent pour cette célébration font partie, entre autres, de la Famille Zon, des Burkinabés bien connus à Montréal, et de Mandinka, une formation relativement nouvelle mettant en vedette la chanteuse Tapa Diarra du Mali. Descendante de griots depuis plusieurs générations, Tapa tient sa voix de maman Kandja Kouyaté, une légendaire cantatrice mandingue, et sa gestuelle de papa Bouya Diarra, l’un des grands danseurs traditionnels d’Afrique de l’Ouest. Il y aura également Aboulaye Koné, originaire de Côte-d’Ivoire, qui maîtrise guitare mandingue et percussions diverses, et Madou Diarra, un natif de Bamako qui joue du dosso n’goni, cet ancêtre de la guitare africaine dont les sages font un usage quasi thérapeutique depuis la nuit des temps…

Et Zal de conclure avec humilité: "Je sais qu’il est très loin mais je suis sûr que cela lui fera plaisir."

Le 23 avril
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