Pierre Flynn : Voyage dans le tant
Musique

Pierre Flynn : Voyage dans le tant

Pierre Flynn publie et lance une intégrale de ses textes et un album live. De quoi faire le pont entre hier et demain, et le deuil d’un certain romantisme.

Plus familier en public du piano que du stylo, Pierre Flynn autographiait ce jour-là Traces dans le sable au Salon du livre de Québec. Paru en même temps que son album solo live, ce recueil de textes de chansons englobant 35 ans de carrière donne à sa fébrile rentrée printanière des allures de bilan. Le principal intéressé préfère y voir plutôt une occasion de faire le point.

"C’est pas une tentative de faire un bilan de ma vie, sinon chaque spectacle où l’on choisit son répertoire serait déjà un bilan temporaire. Je me ramasse un peu, simplement… Comme en 1995 on avait ramassé le souvenir d’Octobre en récupérant le matériel. C’est une bonne idée d’empêcher les choses de partir aux quatre vents…" dit Flynn en verve et en voix.

S’il y a convergence naturelle entre les 16 chansons du disque, toutes extraites du spectacle dépouillé qu’il trimbale depuis un an et demi à travers la province, et les 80 titres du livre, cette convergence volontaire de deux médiums a aussi le mérite de ramener ses grandes envolées poétiques d’oiseau noir à l’avant-scène et de réaffirmer sa prédilection pour quelques thématiques sans cesse méditées. Chez ce pur petit-fils d’Irlandais arrivés en Gaspésie, fils d’un père décédé trop jeune, né à l’Hôpital Saint-Sacrement et élevé sur Calixa-Lavallée avant de filer vers Montréal, la plus inspirante muse demeure la partance, le voyage initiatique si oniriquement représenté dans Sur la route, En cavale, Lettre de Venise, Berlin ou Le Retour. Et quel Québécois peut oublier les premières lignes de la chanson Le vent se lève? "La nuit s’installe en rumeur d’océan/Près de moi tu t’endors dans le calme…/J’ai assez tourné dans ma cage/…Maintenant je dois partir."

"Il y a un état de flottement et d’errance que je trouve assez somptueux dans le voyage. Et puis un aiguisement des sens extraordinaire; sentir, toucher, voir… aimer les choses autour. Le promeneur reste ouvert aux parfums du hasard et à l’enfilade des couleurs qui défilent. Le voyage est aussi une sorte de métaphore qui permet de jeter un regard amoureux sur les choses." "Je t’offrirai l’Irlande/Je t’offrirai Paris…/Il faut bien qu’il existe/Pour nous deux un abri" (En cavale)

80? 80 chansons en 30 ans? 2 et 2/3 par année? "Effectivement, je ne suis pas reconnu pour mon abondance ou ma rapidité", maugrée le quinquagénaire qui s’en est souvent fait faire le reproche. "J’espère que ce que j’écris a au moins une certaine pertinence et aura une certaine durée. J’ai peut-être le souci d’approfondir lentement certaines choses. Dans le livre, j’en aurais même retranché cinq ou six. Mais on m’en a dissuadé. Finalement, c’est ça, une intégrale. Ça ne fait que mieux illustrer la part d’apprentissage des débuts chez le jeune auteur."

Flynn ne regrette pas le style de ses chansons de jeunesse, désormais classiques du quartet Octobre, telle la Maudite Machine, mais parfois, quelques lignes du propos, qui lui rappellent que la jeunesse est un temps de passions bien tranchées. "Ah la belle maladresse de la jeunesse! À 17 ans, les choses sont noires ou blanches. Il y a les bons et les méchants. En vieillissant, on se rend bien compte que ce monde qu’on avait envie de faire sauter, on a désormais envie qu’il ne saute surtout pas, en pensant à nos enfants. On se situe un peu plus dans des zones de gris. Cela dit, je ne renie rien. Ces chansons de jeunesse bien romantiques résonnent avec l’époque dont elles proviennent et elles résonnent encore. Ce sont des cris."

"Il fut une époque où on sentait bien que le rock était à faire et que ceux qui le faisaient défrichaient… Maintenant, il en sort des chanteurs en un an! L’industrie doit absorber tous ces gens qui se pressent au portillon", avance Flynn tout en louant la solidarité qui persiste entre gens du métier. Et lui qui côtoyait assez fraternellement les Fiori, Boulet et Latraverse s’enchante de prendre maintenant du service en chasseur de vampire dans Dracula avec toute une jeune distribution, tout en revampant sur Vol solo une poignée de chansons immortelles: "Des amis m’ont convaincu que mes chansons valaient la peine d’être proposées sans artifices. J’ai découvert un certain plaisir à mettre à nu. Finalement, ça permet d’éviter les effets de mode."

"Je crois que le meilleur est devant moi", avance Flynn. Et si l’heure n’est pas au bilan, recueil et albums permettent assez de recul pour entrevoir une espèce de synchronicité entre l’art et le réel… Une espèce de philosophie du carpe diem: "S’il y a une progression dans la patente, c’est peut-être ça. Pour moi, le trésor existe. Il n’est plus à rechercher. J’essaie de faire le deuil d’un certain romantisme qui laisse présumer que le meilleur est ailleurs, qu’il faut atteindre l’inaccessible étoile. Désormais, j’ai plutôt tendance à croire et à écrire que c’est maintenant qu’il faut vivre."

Vol solo
(Disques Audiogram)

Traces dans le sable
(Les 400 Coups)

Le 29 avril à 20h
Au Théâtre Petit Champlain
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