Tiga : Mélange des genres
Tiga est un véritable touche-à-tout dans le monde de la musique électronique. Connu principalement comme DJ, il vient tout juste de lancer son premier album, composé entièrement de matériel original.
Les coups de klaxon agressifs en arrière-plan ne mentent pas: c’est bel et bien à New York que Tiga se trouve au moment de l’entrevue. Il est dans la métropole américaine le temps de faire deux prestations en tournée avec les Scissors Sisters.
De retour à son hôtel, c’est un Tiga étonnamment calme qui répond au téléphone, compte tenu de son emploi du temps chargé. On convient rapidement du mode de l’entrevue: on va glisser du français à l’anglais pour permettre au DJ globe-trotter d’exprimer sa pensée le plus aisément possible. De toute façon, ça correspond bien au personnage, pour qui le mélange des genres est devenu une forme d’expression artistique.
WELCOME TO PLANET SEXOR
Parlant de mélange des genres, il sortait en février dernier l’album Sexor. Après plusieurs remix et albums compilations, Sexor est le premier disque entièrement interprété par Tiga. "C’est un album très personnel, confie le DJ devenu compositeur. Je voulais qu’il soit différent du monde des DJ et du techno. J’ai mis un peu plus de deux ans à le faire. Entre les tournées, je prenais quelques jours par-ci par-là pour enregistrer des pièces."
"Le côté positif de prendre autant de temps pour composer un album est que ça laisse de l’espace pour trouver de nouvelles sonorités. Le problème, par contre, c’est que mes goûts ont beaucoup changé entre l’enregistrement des premières pièces et la sortie de l’album. Ça donne toutefois à l’ensemble un côté éclectique qui me plaît bien." Tiga admet s’être inspiré de nombreuses sources pour composer les 14 pièces retenues sur Sexor. De DAF à Cabaret Voltaire en passant par Depeche Mode et Nietzer Ebb, le voyage dans les racines de la musique électronique proposé par l’artiste est séduisant.
Tiga semble très heureux du résultat. La réception du public et des critiques est jusqu’à présent excellente. "Au début, il y a eu un peu de confusion autour de la sortie de cet album. On se demandait ce que je faisais exactement. Est-ce que c’est un album électro, des remix par un DJ ou un album pop? Mais la confusion s’est dissipée rapidement quand les gens ont compris que c’était du matériel original."
TREND SETTER…
Il faut dire que la confusion, dans le cas de Tiga, n’est pas surprenante. Depuis le début de sa carrière, il ne s’est jamais limité à un seul champ d’activité. Bien souvent à l’avant-garde de la scène montréalaise, il a touché et inspiré pratiquement toutes les sphères de la planète techno.
Tout jeune, il a été l’instigateur d’un des moments clés de la genèse de la scène rave. "Quand j’avais 18 ans, j’ai commencé à écouter des albums de techno venant d’Angleterre et d’Allemagne. À cette époque, j’allais à des partys hors de Montréal. Je suis vraiment tombé amoureux de ce que j’ai découvert et j’ai voulu ramener ça dans ma ville. C’est comme ça qu’on a décidé de commencer à organiser des soirées."
En mars 1993, il présente Solstice, le premier gros rave au Québec. Tenu dans les salles désaffectées de l’ancien Musée d’art contemporain de Montréal, l’événement est devenu une sorte de mythe de la culture techno locale. C’était la première fois qu’autant de gens se réunissaient dans un endroit hors du circuit des bars pour fêter jusque tard dans la nuit. "À l’époque, c’était quelque chose d’incroyable de voir 2000 personnes danser au lever du soleil. Je pense que tout le monde qui y était a senti qu’il venait de se passer quelque chose d’important. On venait de voir une culture émergente prendre racine."
Déjà à l’époque, Tiga portait de nombreux chapeaux. Lors de Solstice, il était producteur et DJ. Quelques mois plus tard, il anime sa propre émission de radio sur les ondes de CKUT et ouvre une boutique de disques, DNA Records. Parallèlement à ses activités de DJ, il met sur pied en 1996 le SONA, un des premiers clubs after-hours de la métropole. Il fonde également sa propre étiquette, Turbo. "J’ai beaucoup aimé les années passées à développer la scène de Montréal. Mais secrètement, je voulais me consacrer à ma carrière de DJ et créer de la musique."
Tiga admet avoir développé en 2001 quelques frustrations par rapport à la scène techno. "Je ne sais pas si c’était à cause des drogues que les gens consommaient, mais la scène était devenue beaucoup plus matérialiste qu’avant. Tout le monde s’était mis à prendre de la coke et à se soûler. J’avais besoin de trouver autre chose, de sortir du cadre. J’ai décidé de créer une sorte de mythe autour de mon personnage. C’était une façon de m’amuser qui me permettait de m’évader tout en continuant à faire de la musique."
Quand on lui demande s’il a une équipe pour l’aider à développer son image, Tiga éclate de rire: "C’est plutôt une affaire de famille! Il y a ma copine, Tiara Brown, qui m’aide à développer mon style. C’est son frère, Qarim Brown, qui s’occupe des photos, et le graphisme est fait par un Montréalais, Pawel Karwowski."
ÉVOLUTION LOGIQUE
La prochaine étape logique pour la carrière de Tiga sera certainement de monter un groupe pour faire des spectacles. Pour l’instant, toutes les prestations publiques de Tiga, dont celle qu’il fera à Québec, sont des DJ-set. Il reconnaît lui-même qu’il va devoir bientôt sortir de sa zone de confort pour se produire avec des musiciens. "Faire un show live est un véritable challenge pour moi. Ce sera un nouveau monde. Mais je pense que je dois faire le saut pour évoluer."
Pour l’instant, le DJ Tiga continue d’être en demande aux quatre coins du globe. Il vient d’ailleurs tout juste de tourner un clip à Tokyo pour la pièce (Far from) Home. Le vidéo a été réalisé par Nagi Noda, et Tiga semble très satisfait du résultat. Ce sera à voir sous peu! D’ici la sortie du clip, on pourra danser sur la musique du DJ en se procurant son disque ou en se rendant au Dagobert le 4 mai.
Le 4 mai à 22h
Au Dagobert
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