Karlof Galovsky : Internez-nous
Musique

Karlof Galovsky : Internez-nous

Karlof Galovsky lance Motadine, son troisième album, après avoir traversé sa crise de la trentaine. Confidences d’un chanteur non conformiste.

Karlof Galovsky ne fait jamais les choses comme tout le monde. Plutôt que d’organiser un pompeux 5 à 7 visant à souligner l’arrivée en magasin de son troisième album Motadine, l’iconoclaste chanteur pop envoya aux journalistes culturels un 5 à 7 portatif: une boîte contenant son album bien sûr, mais aussi une bière, des chips, de la gomme, des condoms (?!?) et un contenant de succulente fondu Swiss Knight. "Comme ça, tout le monde a pu se faire son petit lancement quand bon lui semblait, explique-t-il. Quand t’organises ce genre de soirée, tu passes des jours à te demander quels journalistes seront présents ou non. Je ne voulais pas jouer la game."

Une l’attitude typiquement "karlofesque"; rappelons-nous que dans ses pièces, Galovsky explique parfois les différentes pratiques de l’industrie musicale (Riff commercial et Reggae dub # 9 démystifiaient la fabrication d’un succès radiophonique). Lors d’une soirée relève Juste pour Rire, l’artiste multidisciplinaire avait même présenté un numéro décrivant les tactiques utilisées par un humoriste pour faire rire son public. "Ce ne sont pas des critiques, que des constatations, précise-t-il. Mais de toute façon, je travaille tellement que je n’aurais même pas pu assister à mon propre lancement."

Depuis environ 4 mois, Galovsky coordonne la production de publicités à Musique Plus, point culminant d’une longue série de jobs occupés par le musicien au cours des 12 derniers mois (commis dans un club vidéo, dans un stationnement et dans une agence de location de voitures). "Il y a un an, j’ai vécu une profonde remise en question, une sorte de crise de la trentaine. J’ai commencé à m’interroger sur le rôle que prenait la musique dans ma vie. Je trouvais que j’y mettais trop d’énergie, tant cérébrale que physique, pour ce que ça me rapportait. En lançant mon premier disque (Fuck’n’Shit Baby Love en 2002), je croyais pouvoir vivre de ma musique, mais ce ne fut jamais le cas. À 30 ans, je vois mes amis du secondaire, déjà propriétaires de condo, qui attendent des enfants. Moi, je suis identique à ce que j’étais à 16 ans: je fume des smokes et je jamme des tounes. On m’a toujours dit qu’au moment de mourir, tu voyais le film de ta vie défiler sous tes yeux. Crime, ça va être le dernier film que je vais voir de ma vie; je dois m’assurer qu’il soit écoeurant. Aujourd’hui, je veux vivre avec ma blonde dans un 6 1/2 rez-de-chaussée avec sous-sol. C’est pas mon salaire "d’artiste" qui va me le permettre."

S’il a jonglé pendant un certain temps avec l’idée de devenir musicien de salon (celui qui enregistre ses pièces devant son ordinateur pour les faire écouter à ses chums le vendredi soir), Karlof Galovsky récidive avec Motadine. "Je ne voulais pas finir ma carrière avec Fuzzy Trash Pop (2004), un compact qui ne me plaît plus vraiment. Je le trouve essoufflant. Les musiques servent trop les textes chantés par un type qui parle tout le temps. Avec Motadine, je voulais un disque plus léger. Un album aussi efficace en bruit de fond que lors d’une écoute attentive."

Surfant sur différentes vagues pop (le rock, le folk, l’électro), les compositions de Motadine jouissent peut-être d’une meilleure symbiose paroles et musiques, mais elles présentent tout de même l’univers très personnel de Karlof. Expliquant comment un chanteur poche peut toucher le coeur du public, le texte d’Une chanson conclut d’ailleurs la trilogie amorcée par Riff commercial et Reggae dub # 9: "Si tu veux que tout le monde aime, faut tu sois comme tout l’monde / Faut pas être différent / Faut pas être dérangeant".

Dérangeant comme l’exubérant Karlof, souvent qualifié d’artiste incompris en raison de son esprit non conformiste, qu’il partage avec sa chanteuse de blonde Annie Chartrand (meneuse du groupe Ma blonde est une chanteuse). L’auteur-compositeur-interprète profite d’ailleurs du livret de Motadine pour y expliquer chaque titre sommairement. À propos de la pièce Maladie mentale, Galovsky soutient que beaucoup de gens souffrent de troubles psychologiques, sans le savoir. "J’ai découvert ça en vieillissant. Si tu te donnes la peine de discuter pendant une heure avec un inconnu rencontré sur la rue, t’as de maudites bonnes chances de tomber sur un fucké de première. Si tout le monde se rendait chez un psy, tous seraient diagnostiqués malade mentale, plusieurs se feraient interner. Et moi le premier, je suis complètement parano! J’arrive à fonctionner dans la vie, mais j’ai tendance à analyser tout ce que les autres me disent. Je croise un ami dans la rue. On se parle 30 secondes pour se dire salut. Bien je peux passer l’heure suivante à revirer dans ma tête les trois phrases qu’il m’a adressées pour comprendre ce qu’il voulait vraiment dire. Je trouve des explications logiques à des choses qui n’en ont pas."

Pour Karlof qui vient de lire ce texte, mes intentions sont pures, et le choix de mes mots, sans arrière-pensée.

Le 29 avril
Chez Gambrinus
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KARLOF GALOVSKY
MOTADINE
(L-A BE / SELECT)