Kid 606 : Fils à maman

À la fin de l’été dernier, Kid 606 (Miguel Depedro pour sa maman) faisait paraître Resilience, un disque en rupture avec ses précédents efforts associés à une forme de techno hardcore à tendance bruitiste. Le titre de l’album, la pochette toute simple (une photo de lui alors qu’il n’était qu’un tout petit gamin souriant de 3-4 ans), les compositions aux rythmes apaisés et la facture beaucoup plus léchée que ce à quoi il nous avait habitué, tout ça était plutôt inattendu de la part de cet Américain né au Venezuela qui se pointe à Montréal chaque année depuis six ou sept ans avec la régularité d’un coucou suisse… "J’ai commencé à faire de la musique à un très jeune âge, avec l’impression que ça ne durerait pas et, par conséquent, qu’il fallait que ce soit toujours plus fort, plus fou et extrême que la dernière fois. À mes débuts, je crois que j’étais aussi hard dans mes sets parce que j’ouvrais pour d’autres bands rock, poursuit le whizz kid de 26 ans. Puis je suis devenu tête d’affiche et tu peux pas jouer de cette crazy shit-là pendant 80 minutes! Les années ont passé, et je me suis retrouvé avec une poignée de chansons qui n’étaient pas si folles et décapantes…"

Miguel Depedro, qui a aussi signé quelques remixes pour Peaches, Super Furry Animals, Mogwai, Xiu Xiu, Depêche Mode et Saul Williams est un iconoclaste qui passe d’une étiquette à l’autre pour, justement, échapper aux étiquettes: "Je connais des artistes qui se sentent obligés de répondre aux attentes et je trouve ça dommage. Le risque de décevoir existe, c’est un fait. Quelques-uns m’ont dit qu’ils aimaient Resilience comme ils auraient apprécié un album de Kruder & Dorfmeister ou d’Amon Tobin et se sont montrés déçus d’un tel détournement. D’autres m’ont avoué que c’est ce qu’ils préféraient de moi à ce jour… Le fait de lancer des albums sur des étiquettes variées et d’avoir la mienne (Tigerbeat6) me permet de me sentir aussi libre vis-à-vis de toutes les susceptibilités des gens dans leur approche de la musique."

Il n’est pas tant question d’un "tournant" pour Kid 606, mais plutôt d’une façon, pour lui, d’équilibrer les énergies survoltées: "Étonnamment, ma tolérance aux musique hardcore n’est pas si élevée qu’on le croirait. J’ai ressenti la nécessité de tempérer ma musique." Même son approche des échantillonnages a subi une forme de remise en question: "Les sons qui trouvent un écho en nous sont le rappel d’un souvenir; je crois qu’il existe une sorte de mémoire sonore qui détermine le sens qu’on donne à ce qu’on entend. On n’a qu’à penser à ce qu’évoquent certains tambourins des années 60, ou alors des synthétiseurs des années 80. Ça fait tout de suite référence à une époque, c’est culturel. Le problème avec les échantillonnages, c’est quand tout le monde utilise les mêmes, quand une forme de parasitage des sons apparaît. Ça fait un an que je n’ai pas utilisé un sample et ça fait du bien!"

Celui qui revendique des influences industrielles (Skinny Puppy, Ministry) et une parenté d’esprit avec de géniaux technoïdes tels qu’Aphex Twin, DAT Politics, avec tout le courant de l’IDM (intelligence dance music) et des musiques minimalistes vient donc présenter à Montréal cet album en parallèle avec le parcours qu’on lui connaissait et qui revêt une importance particulière à ses yeux "parce que je n’ai jamais fait quelque chose comme ça et que je ne pense pas récidiver." Resilience est dédié à sa mère: "Même si je ne compose pas de la musique pour plaire aux gens, ça me faisait quelque chose de savoir que ma mère ne puisse pas écouter mes disques et je suis content d’en avoir fait un qu’elle peut écouter du début à la fin. D’autant plus, c’est elle qui m’a inculqué des valeurs telles que la liberté de création et l’indépendance de l’artiste vis-à-vis des attentes."

Le 6 mai
Avec Drop The Lime et un DJ set de Ghislain Poirier
Au Zoobizarre
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