Les Pirates de Penzance : Liés par la voix
Musique

Les Pirates de Penzance : Liés par la voix

Les Pirates de Penzance, nouvelle production de la Société d’art lyrique du Royaume, fera bientôt des vagues à Saguenay. Voir s’est donné pour mandat de faire entendre la voix de deux de ses solistes.

Depuis leur plus jeune âge, chacun des pas qui ont tracé le parcours de Michaël Girard et Marie-Ève Munger était dirigé vers leur passion. Ce qui les lie? Leur maîtrise du plus capricieux des instruments, celui qui ne s’accorde pas, ne se range pas, ne les quitte jamais: leur voix. En effet, pas d’écrin de velours somptueux où pourrait dormir leur organe en attendant qu’il prenne un repos bien mérité. Il faut l’entretenir, le soigner, prendre bien garde de ne pas l’abîmer.

Pourtant, alors que certains chanteurs ont une fixation sur leur voix qui les force parfois à se replier dans un rapport presque narcissique, pas question pour Michaël et Marie-Ève d’être les esclaves de leur talent. L’important pour eux, c’est de continuer de s’épanouir par un art qui les transporte littéralement à travers les époques, les cultures, les pays.

L’aventure des Pirates de Penzance, que leur a proposé la Société d’art lyrique du Royaume (SARL), a rapproché les deux solistes qui s’étaient connus très jeunes, lors de leur participation à la Chorale Jeunesse en choeur ainsi qu’à l’occasion de concours très formateurs qui leur avaient permis de faire entendre leurs voix. "On ne s’était pas perdus de vue, explique Michaël, mais on se voyait moins. Marie-Ève est rendue à Montréal. Alors en n’étant plus sur les mêmes projets… C’était une belle occasion de travailler ensemble. On ne l’avait jamais vraiment fait… Quoique…" Quelque souvenir d’un chant leur remonte soudainement aux lèvres, qu’ils se remettent à fredonner d’une seule voix avant de pouffer d’un rire franc, preuve d’une complicité qui saura sans doute transparaître sur scène.

MÉTIER: INTERPRÈTE

Photo: Boran Richard

Notre époque mène la vie dure aux interprètes, avec le reflux des vedettes instantanées qui éclatent comme du pop-corn… Il faut une passion intense pour continuer à avancer dans le milieu de l’interprétation malgré le discrédit que provoque le phénomène du vedettariat sur-le-champ. Pour Michaël, l’interprète n’est pas une machine à chanter: "La force de l’interprète, c’est d’arriver à prendre un texte qui ne lui appartient pas, à se l’approprier, à le rendre à sa façon." La difficulté résiderait ainsi dans la façon de personnaliser une oeuvre qui est totalement extérieure au chanteur, de façon à faire vibrer un auditoire d’autant plus exigeant qu’il connaît souvent les textes des chansons. Quant à Marie-Ève, elle est catégorique: une belle chanson n’est rien sans un bon interprète. "Tu as beau écrire une belle chanson, si tu n’arrives pas à la partager avec les gens…" Et à ceux qui ne croient pas qu’il s’agit d’un labeur souvent ardu, elle apporte des arguments convaincants: "Maintenant, je me donne un peu plus de liberté, mais pendant longtemps, j’ai eu l’impression de chanter dans une boîte. Tu as les notes, tu as la diction qui doit être parfaite, la position de la voix… Toutes les nuances sont imposées, le phrasé est imposé, tout… Et en même temps, il faut que tu sois créatif à travers ça… Ça a été mon bogue longtemps. Mais plus tu avances là-dedans, plus tu te rends compte que tu peux être créatif, que tu peux jouer avec ça, te l’approprier. Par la façon dont tu vas chanter, tu peux même donner une couleur différente de celle que l’auteur avait imaginée."

Malgré la façon évidente avec laquelle ils s’épanouissent à travers l’interprétation, il n’en demeure pas moins qu’ils se questionnent souvent à ce sujet. D’ailleurs, chacun a des textes originaux qui dorment, bien à l’abri au fond d’un tiroir, comme un trésor protégé de la profanation de quelque pirate. "Je ne passe pas beaucoup de temps à faire ça, affirme le chanteur, mais je le fais à l’occasion. Ça m’est arrivé d’en présenter, aussi. Il y en a deux que je fais à l’occasion, avec Caroline Riverin, pour un spectacle qui s’appelle Intime. Ça fait déjà trois ans qu’on s’amuse à faire ça, c’est vraiment pour le plaisir. Éventuellement, j’aimerais y consacrer un peu plus de temps, mais il y a des contrats qui arrivent, qui font que c’est pas ça qui est la priorité pour le moment. Pour l’instant, je me considère un peu plus comme un interprète, j’ai beaucoup de plaisir à l’être encore, j’ai l’impression de m’accomplir beaucoup là-dedans."

Il semble que ce soit plus difficile pour Marie-Ève de prendre le rôle d’auteure, car depuis ses débuts, elle se met en bouche les textes des plus grands. "Moi, mon problème, quand j’écris, c’est que je suis trop perfectionniste", lance-t-elle, expliquant qu’elle compare toujours ses propres mots à ceux des chansons classiques qu’elle a dû interpréter jusque-là.

LES PIRATES DÉBARQUENT

Photo: Boran Richard

La nouvelle production de la SARL se lance à l’abordage de la scène de l’Auditorium Dufour pour deux semaines. L’organisme à but non lucratif, qui nous a habitués à des productions d’une qualité notable, nous permettant d’être à nouveau très exigeants, s’est donné pour mission de revenir aux sources, avec un spectacle essentiellement développé autour de la voix plutôt qu’en fonction du jeu des acteurs. Par contre, selon Michaël et Marie-Ève, cette décision ne transformera pas le spectacle en un tableau statique. "Ils sont allés chercher des gens qui avaient une certaine expérience de la scène, déclare le soliste, des gens qui avaient fait beaucoup de comédies musicales… Il y a du dialogue, on est autant comédiens que chanteurs dans ce spectacle-là." Marie-Ève renchérit en décriant les idées préconçues trop largement répandues à propos de l’art lyrique: "Même à l’opéra, ça n’existe plus vraiment le park and sing. Plus ça va, plus ça n’a rien à voir. Les chanteurs sont aussi des acteurs, mais ils s’expriment en chantant!"

Il semble qu’on ait aussi décidé de mettre l’accent sur l’humour, question de rejoindre un plus vaste public. L’opérette au texte déjà léger a été dirigée d’une façon telle qu’il suffira d’être dans la salle pour se dérider un bon coup. Éric Chalifour, qui signe pour une troisième fois la mise en scène du projet de la SALR, s’est amusé à suivre dans le texte toutes les pistes qui pouvaient mener au rire.

Les deux solistes n’ont pas manqué de mentionner le travail effectué par toute l’équipe. Ils sont 10 solistes à partager la scène avec un choeur de près de 40 chanteurs, dirigé par Anne Laprise, qui ne s’est pas contentée de les faire chanter, ainsi qu’avec 8 danseurs, dirigés par Georges-Nicolas Tremblay. Une immense production qui voudra en mettre plein la vue…

Les 28, 29 et 30 avril
Les 5, 6 et 7 mai
À l’Auditorium Dufour
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