Philippe Jaroussky : La voix et la bête
Curieux, Philippe Jaroussky anticipe son premier séjour au Québec avec plaisir. Cette rencontre, une initiative du claveciniste Luc Beauséjour, place le contre-ténor français en compagnie de musiciens d’exception, avec Venise comme toile de fond.
À 28 ans, Philippe Jaroussky se trouve au sommet de son art et en pleine possession de son talent. Reconnu actuellement comme un interprète exceptionnel, le contre-ténor français peut assouvir sa curiosité musicale avec une totale liberté. Ayant en poche un contrat exclusif avec la maison de disques Virgin, il fonde en 2002 son propre groupe musical, l’Ensemble Artaserse, et cultive son indépendance artistique en toute complicité. "On a souvent cette impression que les majors vous avalent tout rond et vous privent de toute liberté, indique Philippe Jaroussky. Je crois que Virgin a constaté assez rapidement quel interprète je suis. Ils ont pu voir le succès critique remporté par le premier disque de l’Ensemble Artaserse, consacré au compositeur Benedetto Ferrari, un répertoire peu connu. Ils ont une grande confiance en moi. Ce n’était pas très difficile d’amener mon ensemble enregistrer avec moi chez eux. Depuis le départ, je n’ai jamais souffert de censure à l’intérieur de cette maison de disques." Pas de contraintes donc, mis à part peut-être quelques demandes de collaborations, entre autres avec la chef d’orchestre Emmanuelle Haïm, mais qui oserait s’en plaindre?
Le contre-ténor a vite fait de rectifier la perception qu’on avait de son registre à ses débuts professionnels. Le terme sopraniste circulant à tout vent, conséquence d’un répertoire de très haute voltige qui l’a consacré, Philippe Jaroussky s’impose dorénavant avant tout comme contre-ténor. Un qualificatif qui définit non pas la tessiture de sa voix, mais plutôt la technique. "Il y a un côté "bête de foire" dans le terme sopraniste, souligne-t-il. Lorsqu’on m’a affublé de cette étiquette, j’ai tout de suite vu que j’allais être cantonné dans certains répertoires spécifiques et virtuoses. C’était très important pour moi de ne pas être limité par cette perception."
Ancré dans la tradition musicale vénitienne qui remonte au début du XVIIe siècle, le concert Rigore e Crudeltà explore l’univers poétique mis en musique par Monteverdi, Marcello, Ferrari, Vivaldi et Barbara Strozzi, cantatrice et rare compositrice du XVIIe siècle. "Elle fut très importante en son temps, explique Jaroussky. Sa musique, dont il existe huit ou neuf recueils, fut éditée de son vivant et estimée. Une musique touchante et une écriture originale. C’était une personnalité forte et une interprète à la voix très puissante à ce que l’on dit." C’est avec le claveciniste Luc Beauséjour, ainsi que la violoncelliste Amanda Keesmat et le luthiste Sylvain Bergeron, que Philippe Jaroussky présentera cette fresque vénitienne à laquelle la contralto Marie-Nicole Lemieux a bien failli se joindre. "Malheureusement, elle doit quitter le pays pour l’Europe, précise le contre-ténor. Nous avons travaillé ensemble sur scène à quelques reprises, dont à Berlin sous la direction de René Jacobs. Elle collabore d’ailleurs sur mon dernier disque (Beata Vergine, Virgin)." Un choix judicieux et une complicité artistique qui s’annonce fructueuse.
Le 6 mai à 19h30
À l’église Saint-Jean-Baptiste
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