Festival d'arts numériques Elektra : États transitoires
Musique

Festival d’arts numériques Elektra : États transitoires

Chris Salter explore les zones grises de la conscience durant la 7e édition du festival d’arts numériques Elektra, un événement qui roule à fond de train sur l’autoroute informatique.

Le festival Elektra est une création de l’ACREQ (Association pour la création et la recherche électroacoustiques au Québec), une société de concerts qui est aujourd’hui pratiquement disparue, avalée par sa créature. C’est que l’explosion technologique des dernières années (c’est la septième édition d’Elektra) a fait naître de nouvelles formes artistiques: les arts numériques, mutations bioniques des catégories que nous connaissions déjà: musique, arts visuels, performance, etc. Comme tout cela peut désormais se concevoir sur un seul et même ordinateur, tout a tendance à se mélanger en un magnifique melting-pot postmoderne. Au point où l’on peut se demander s’il y a encore de la place pour la musique là-dedans.

Chris Salter, dont on pourra voir et entendre une vidéomusique ambiophonique le jeudi 11, est professeur au Département d’art du design de l’Université Concordia, où il enseigne l’audionumérique en temps réel et la théorie critique des technologies médiatiques et de performance. "Je ne crois pas du tout que la musique soit appelée à disparaître de ce genre de festival, explique-t-il, mais la frontière qui sépare la musique des arts visuels, de la danse, etc. tend sans doute à s’effacer. Ce n’est pas un phénomène nouveau en soi dans le domaine de l’avant-garde, mais la fusion des médias s’accentue parce que l’informatique envahit tous les champs de création. Avant, il y avait le tourne-disque, la machine à écrire, le papier photographique, etc. Maintenant, tout est numérisé."

La vidéomusique est un exemple intéressant, puisque de plus en plus d’artistes conçoivent eux-mêmes les aspects visuels et musicaux de leurs oeuvres. "La spécialisation de l’artiste s’efface parce que les gens pensent simultanément aux différents aspects de l’oeuvre. Les institutions qui forment les artistes n’en sont pas encore là, mais de plus en plus d’artistes y sont déjà. C’est une période de transition." Le thème de la transition est aussi au coeur de l’oeuvre que présentera Salter durant Elektra. "Je veux explorer les états transitoires, le moment entre l’état de veille et le sommeil, entre l’inspiration et l’expiration, entre la vie et la mort, le moment durant lequel on est sur le seuil, sortant d’un état pour entrer dans un autre." Le titre Schwelle 1: Bardo combine la traduction allemande de "seuil" (Salter travaille beaucoup en Allemagne) avec le concept tibétain Bar (suspendu) do (isolé), et l’oeuvre est la première partie d’un triptyque qui inclut aussi une deuxième partie plus théâtrale et une installation.

Salter poursuit: "J’essaie de sortir de la tendance "gadget" de l’électro pour y mettre davantage de substance." L’oeuvre sera néanmoins entendue sur un système de son projetant huit canaux et l’image sera visible sur trois écrans. "Je ne viens pas du monde de l’électroacoustique et je ne cherche pas forcément à faire voyager le son dans la pièce, mais plutôt à créer des architectures sonores, à jouer sur les distances et sur l’influence que peut avoir le son sur la perception d’une simple image en deux dimensions."

Le 11 mai
À l’Usine C

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Entre son spectacle d’ouverture, Man in e.Space, une collaboration entre un collectif d’architecture et une compagnie de danse (!) et l’installation robotique interactive Spatial Sounds (100dB at 100km/h), visible durant toute la durée du festival, Elektra propose un menu varié d’expériences étonnantes: le vendredi 12, LSP (laser sound performance) nous offre des éclairages tridimensionnels qui réagissent aux sons et enveloppent littéralement le public; la soirée se poursuit avec une performance audiovisuelle du duo montréalais Skoltz_Kolgen et avec un concert de musique électronique en direct de Kangding Ray. Le jeudi 11, avant Chris Salter, on pourra découvrir la vidéomusique du jeune Mélik-Alexandre Farhat, étudiant à l’Université de Montréal. Elektra a lieu du 9 au 14 mai, à l’Usine C. Info: www.elektra7.ca.