Monica Freire : Le cas Monica
Musique

Monica Freire : Le cas Monica

Monica Freire, c’était plutôt Monica-la-douceur que Monica-la-mitraille. Quoique, maintenant que cette petite guerrière s’en va-t-en guerre avec son propre power trio et du visuel orchestré par Brigitte Henry, il faut s’attendre à une tournée percutante.

Monica Freire a donné tout un spectacle au Club Soda cet automne. Programmée à Coup de coeur francophone, quelques semaines après la sortie de l’excellent Bahiatronica, paru enfin sur étiquette Audiogram, elle devait d’un coup briser la glace et réussir à transposer sur scène un projet de disque qu’elle avait passé des années à peaufiner. Six mois plus tard, la voilà prête à entamer une vraie tournée avec l’Agence Spectra Scène en appliquant une nouvelle formule à la fois simplifiée et plus corsée.

"On a un nouveau percussionniste bahianais qui s’appelle Yago Suza. Il a un pandero d’enfer! Pendant l’enregistrement du disque, notre réalisateur, Luis Brazil, qui est comme son père, m’avait parlé de lui. Mais on n’avait pas réussi à l’utiliser pour les sessions à Rio. Alors je suis retourné à Salvador en janvier pour des cours de percussion et là, ça a été le déclic. Yago est venu nous retrouver à Montréal, on a beaucoup travaillé avec lui et Dan Gigon. Pour moi, il faut que la tradition soit très présente mais de manière stylisée. Il faut dépasser les frontières purement rythmiques. On a fait deux chansons à trois, l’autre jour pour le spectacle Équiterre et là, c’est locké!"

Celle qui se définit volontiers comme une Sud-Américaine "post-tropicaliste" parce qu’elle a grandi en écoutant Caetano Veloso et Gilberto Gil, a bien compris ce besoin inné d’être toujours liée à une cause sociale, un engagement artistique. Pour elle, la musique se doit d’être underground et rebelle par définition. D’où cette vive émotion lorsqu’elle se remémore son récent voyage à New York et cette Marche mondiale des femmes avec Karen Young, lorsqu’elle ont chanté devant l’ONU avec des soeurs de sang venant de plus de 180 pays.

"Je suis fière de mon cheminement, dit-elle avec douceur, l’air convaincu mais encore songeur. Il faut aller dans certains extrêmes avant de pouvoir retrouver l’essentiel. J’ai longtemps attendu ce moment, mais je n’en avais jamais eu les moyens." Drôle de parcours en effet que celui de Monica. Née à Bahia, elle quitte le Brésil pour l’archipel des Antilles à 18 ans. Pendant six mois, avec son band, elle va faire le carnaval pour les touristes jusqu’à en avoir ras-le-bol. Puis elle entreprend une traversée de l’Atlantique avec de nouveaux amis français rencontrés dans une marina. Dans les années 90, elle s’installe à Montréal où elle chante la bossa dans les restos de la rue Saint-Denis, mais développe une vraie carrière… au Japon. Les deux premiers albums qu’elle enregistre là-bas deviennent d’excellents vendeurs. Elle y va six fois par année, ses affiches sont partout. Puis elle revient à Montréal, enfourche sa bicyclette et sillonne le Plateau, chantant aux Bobards, sur Saint-Laurent, à chaque fois que le drapeau du Brésil s’y déploie pour les bacchanales ou lors d’une victoire de l’équipe du Brésil au soccer, cinq fois championne du monde. Et puis, finalement, ce disque fabuleux où elle a tellement d’histoires à partager. Comme dans Petite guerrière de Pierre Flynn dont elle fait une superbe version dédiée à sa fille d’un an ou dans Marea (Les marées) où elle évoque une rencontre insolite en haute mer. Après trois jours à la dérive en plein océan, au large des Açores, elle avait trouvé un homme seul au milieu des flots, assis tranquillement sur la coque de son embarcation qui s’était renversée. Refusant de l’aide, il préférait rester là seul à attendre plutôt que de laisser aller vers l’oubli son bateau et tous ses souvenirs.

"La planète est plus bleue que brune, conclut Monica. Mais elle est assez grande pour que chacun trouve son chemin, sa voie. Moi je veux faire carrière en faisant les choses que j’aime avec les gens que j’aime". Cette fille est un sacré mélange de talent et d’émotion, de fougue et de maturité. Pas étonnant que son show nous transporte…