The Stills : Chaises musicales
The Stills sont de retour avec un album au son plus organique intitulé Without Feathers, un alignement des membres modifié, un joueur en moins et quelques invités de marque. Éclaircissements en direct de la Saskatchewan.
Joint quelque part entre Saskatoon et Régina alors que la van du groupe sillonnait les routes tranquilles de la province dite "plate" et que de gros nuages noirs s’amoncelaient dans le ciel, Olivier Corbeil (bassiste), tout comme la nouvelle galette des Stills, ne se trouvait pas là où on l’attendait. Le disque, intitulé Without Feathers – clin d’oeil au film de Woody Allen et à la pochette du premier opus du groupe -, surprend d’abord l’auditeur qui s’attendait à retrouver un son dans la sombre lignée des Joy Division, Interpol et compagnie. "On n’a jamais vraiment écouté Joy Division et Echo & The Bunnymen, à qui on a beaucoup été comparés, ni même Interpol, qui n’existait pas quand on a commencé. On est des fans des Smiths et des Cure, mais ce ne sont pas non plus nos bands préférés. On s’est dirigés vers une certaine esthétique sur notre premier album et tout le monde s’est mis à dire qu’on sonnait comme des bands qu’on n’écoutait même pas! s’étonne-t-il. Entre nos premières chansons, écrites au début de la vingtaine, et nos nouvelles compositions, on s’est épris de Bob Dylan, Fleetwood Mac, The Band et des projets solo de John Lennon."
Semées un peu partout, les notes de piano et pas mal de Hammond B3 se font entendre, un peu plus à l’avant que sur Logic Will Break Your Heart, ce qui tient en grande partie à la présence de Liam O’Neil, collaborateur de longue date et membre désormais officiel, tout droit sorti du quartier NDG, et qui accompagne le groupe dans ses tournées depuis un bon bout de temps déjà. Une belle "acquisition" pour les Stills. "Quand on a commencé à travailler sur le nouveau disque, on voulait des orchestrations différentes, un son plus organique, moins froid… On jammait un peu plus; on se laissait beaucoup de liberté en ce sens. Liam a composé ses propres lignes de piano et on les a conservées. Avant, c’était Dave (Hamelin) qui les écrivait. C’est encore plus intéressant quand un musicien dont c’est l’instrument principal s’y met."
Ce qui a d’ailleurs donné lieu à un jeu de chaise musicale, et un alignement différent. Dave Hamelin – qui drummait pour compenser le manque de batteur – se retrouve désormais au micro et chante la majorité des chansons qu’il se contentait d’écrire auparavant. Greg Paquet a pris la clef des champs et Julien Blais, un nouveau batteur originaire de Rimouski qui accompagne aussi Melissa Auf Der Maur, tient les baguettes. "Moi, ça m’a fait du bien, ce nouveau drummer de haute qualité, parce que, comme bassiste, je le suis, alors d’en avoir un qui est génial, ça facilite énormément mon travail! Les Stills qu’on a en ce moment, c’est le meilleur line-up qu’on ait jamais eu; on se tient, on garde le moral et l’entente entre musiciens est excellente."
Très mélancoliques, les textes fixent des images assez saisissantes, comme cette fleur qui flambe lorsque l’on se rend sur le site du groupe. Dans cet univers, il est question d’un poids à traîner, d’une réalité qui ne sera plus jamais ce qu’elle a été, d’une lune qui est "une froide étoile dénudée", de douleur, de destruction, de l’espoir qui brille par son absence. "We’re sharks that do nothing but stall and think", écrit Tim Fletcher. Pourquoi est-ce aussi sombre? "Dans notre vie de musiciens, les hauts sont très hauts et les bas, très bas. On n’est jamais sur le neutre, on vit de grandes joies et des peines immenses, sans aucun répit. D’être complètement dissocié de ta famille, de tes amis, de ta blonde et des gens dont tu es proche pour poursuivre un grand rêve, c’est déchirant, parfois même aliénant. Les seuls qui peuvent te comprendre sont les autres musiciens. Mon confident, dans ces cas-là, c’est Murray (Lightburn) des Dears."
Réalisé encore une fois par Gus Van Go (ex-Me Mom and Morgentaler), Without Feathers, en plus de toutes les surprises mentionnées ci-haut, comprend quelques caméos et collaborations avec des invités de qualité, tels que des membres de Priestess et de Broken Social Scene, Sam Roberts, Melissa Auf Der Maur et aussi Emily Haines, sirène chantante pour Metric, dans un duo comme on les aime (Baby Blues). L’attente aura été longue (la parution du disque était prévue pour l’automne dernier), mais pour peu que l’on apprécie de voir ses attentes détournées, le nouvel effort de ce groupe, qui fait partie des chouchous montréalais avec les Dears et Arcade Fire, en vaut l’écoute.
The Stills
Without Feathers
Vice / Warner
Le 13 mai
Au Spectrum