Bryan Lee : L’intimité du malheur
Bryan Lee croit sincèrement au pouvoir de guérison de la musique. Ainsi, empruntant un versant plus mystique que psychologique, le bluesman participe à sortir sa ville d’adoption des limbes.
Une semaine avant de l’avoir au bout du fil, jour pour jour, presque minute pour minute, on assistait à la prestation que Bryan Lee et son groupe avaient concoctée pour une foule avec laquelle ils partagent l’intimité du malheur: celle de La Nouvelle-Orléans.
Sur l’une des 10 scènes du gigantesque Jazz & Heritage Festival, le bluesman aveugle triturait sa guitare avec ce petit supplément d’âme que lui conféraient ses concitoyens, eux qui se relèvent dignement, mais non sans heurt, du cataclysme prénommé Katrina.
Récente horreur que Lee a vécue, comme eux, et dont il porte lui aussi les stigmates.
"C’était particulièrement important pour moi d’y être, explique-t-il depuis le New Jersey où il poursuit une longue tournée, parce que ce festival, c’est un moyen pour notre ville de revivre. Moi, j’ai perdu bien des choses avec la rupture des digues [ayant provoqué l’inondation de plusieurs quartiers sous le niveau de la mer]: des amplificateurs de collection, toute ma collection de disques; en fait, tout mon studio y est passé, sauf mes guitares, qui étaient à l’abri, chez moi. Mais ce ne sont que des choses, des objets. Ce qui est le plus important, outre, bien évidemment, d’aider les gens sans abri, c’est de ramener la ville sur la carte, et de donner du boulot aux musiciens."
Ainsi, Lee n’a pas hésité à annuler un concert de sa tournée pour revenir chez lui, le moment d’un spectacle qui contribue à panser les plaies de la ville où ce natif du Wisconsin a établi son quartier général il y a bien longtemps déjà, lui qui a fait vibrer les nuits de la célèbre Bourbon Street dès le début des années 1980. "À une époque où il y avait beaucoup moins de bars de danseuses", précise-t-il, avec dépit.
Se lançant ensuite dans une longue tirade concernant l’affligeant spectacle de la politique locale qui ralentit considérablement les efforts de reconstruction de La Nouvelle-Orléans, Lee revient rapidement à sa musique. Le blues. "Une musique d’émotion brute", comme le dit le cinéaste Wim Wenders, cité dans le livret du plus récent essai de Bryan Lee, Live & Dangerous, capté sur la scène du Spectrum à Montréal.
Il y revient, à cette musique, parce qu’au-delà de la politique, le musicien croit au pouvoir de l’art, et au potentiel de résilience d’une expérience collective comme un spectacle de blues. "Je crois que la musique peut guérir les gens, oui. Elle peut les aider, c’est certain. Ça peut paraître un peu cliché, mais cela n’en est pas moins vrai: la musique te permet non seulement de t’évader, mais d’alléger le poids des malheurs qui ponctuent une vie. Et pour moi, en effet, le blues est la musique de guérison par excellence. Pourquoi? Parce que, selon moi, elle est tout simplement divine. Le blues, c’est un don de Dieu."
Le 13 mai à 20h30
Au Cabaret du Capitole
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