Cordes en délire : Mayonnaise légère
Musique

Cordes en délire : Mayonnaise légère

Cordes en délire, duo formé de deux virtuoses de l’OSTR, s’amuse à dénouer la cravate de la musique classique. Il ajoute un brin de fantaisie au genre tout en conservant son sérieux. Rencontre avec ses membres, le violoncelliste Sébastien Lépine et le violoniste Antoine Bareil.

La musique classique a ses habitudes que chacun doit respecter. Lors des concerts, on ne rigole pas. Si l’on parle, c’est pour faire de la pédagogie. Les temps morts entre les pièces sont nombreux et servent aux changements techniques. Ainsi, cet art baigne parfois dans un cérémonial un peu lourd, trop rigide pour des musiciens en mal d’expérimentation. Désirant donner un peu de swing aux concerts classiques, Sébastien Lépine et Antoine Bareil ont créé l’excentrique duo Cordes en délire.

Rencontrés lors d’un matin endormi, le violoncelliste et le violoniste, encore dans l’énergie du concert Desjardins symphonique donné quelques jours plus tôt avec l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, ne laissent voir aucune trace de fatigue sur leur visage. Ils ont beau clamer le contraire, on les croit à peine. Serait-ce le bonheur de discuter de leur nouveau bébé qui les rend si radieux? Sans doute. Entre deux gorgées d’espresso, ils racontent, dans un fluide dialogue, la naissance de cet impertinent projet.

"Ça faisait bien longtemps qu’on se connaissait, mais on n’avait jamais l’occasion de jouer ensemble ailleurs que dans les "guigues" de base: funérailles, mariages… Le job plate, finalement, du musicien à la pige", amorce Antoine Bareil. Dans un seul souffle, Sébastien Lépine enchaîne: "L’année passée, c’était le 40e anniversaire du Conservatoire de musique de Trois-Rivières et il y avait un concert des anciens. Ça me tentait de faire quelque chose et j’ai demandé à Antoine de faire une sonate de Ravel. Puis, ça a cliqué!" "On avait les mêmes idées, le même rythme de travail", ajoute Bareil. "Là, on a pensé à toutes sortes de folies et on les a concrétisées!" s’exclame le violoncelliste, qui appose la ponctuation finale au préambule.

L’ABÉCÉDAIRE DU DÉLIRE CLASSIQUE

Et comment s’exprime cette folie? "Les deux, ce qui nous lie à la base, c’est faire ce que personne d’autre fait. On ne veut pas jouer les pièces que tout le monde fait tout le temps. On veut faire les choses différemment, autrement que de s’asseoir, jouer… Même s’il reste que la musique classique est une boîte où tout est bien placé, on réussit à le faire tout en respectant ce que le compositeur veut et le décorum qui est normalement associé à ce monde-là", soutient Bareil. Loin de dénaturer le classique, les deux artistes essayent plutôt de tirer profit des entre-pièces. "Le cadeau est le même. On change le papier d’emballage, illustre-t-il. C’est rien que ça… Parce qu’à moins d’être bien convaincus, on ne peut pas vraiment changer l’intérieur. De toute façon, on apprend pendant 15 ans ou 20 ans, à l’école, ce que le compositeur veut. Ça serait quasiment de l’hérésie de déroger de ça. On a plus travaillé les enchaînements, les points un peu morts d’un concert. Pourquoi c’est juste en classique qu’il y a des hauts et des bas, qu’il faut recommencer chaque fois à la case départ parce qu’il y a des changements de set up? C’est rarement bien amené comme dans les spectacles de théâtre, de danse ou de pop."

Aidé d’un metteur en scène (Martin Malenfant), l’ensemble a donc imaginé un concert où tout coule, où chaque mètre de la scène est occupé. Peu bavard quant au déroulement de celui-ci, le duo annonce cependant que la soirée commencera dans l’obscurité pour se terminer dans un immense bain de lumière. Un mince morceau de viande lancé à une meute affamée, invitée à attendre pour le repas complet! Heureusement, il n’existe aucun mystère autour de la programmation. Des oeuvres de Halvorsen, de Ravel, de Glière, de Honneger, de Mence, de Bareil et de Lépine (?!!) figurent au menu de la soirée. La rumeur courait déjà qu’Antoine Bareil, membre actif du band rock Les Kamikazes croquants, composait, mais celle concernant Lépine se faisait encore muette. "C’est la faute d’Antoine", taquine celui qui devrait devenir père pour la troisième fois quelques jours avant le concert. "Dans mon jeune temps, j’écrivais un peu. Antoine écrit quand même pas mal… Il m’a dit: "Je vais écrire une toune… Ça serait le fun si tu en écrivais une." Ça fait que j’ai utilisé quelques nuits pour faire ça!" Le résultat consiste en une pièce sans prétention intitulée Rock’n d’roll.

LES FOUS DU ROI

À l’image de leur nom de groupe, les deux musiciens s’amusent beaucoup, et délirent même un peu parfois… Bien que leur projet classique vise à séduire de nouveaux publics, ils sont conscients de ne pas offrir du bonbon. "C’est beaucoup de la musique du XXe siècle de compositeurs décédés autour de 1940-1950. C’est comme le concept de la mayonnaise légère… Elle est légère donc on peut en manger plus. Donc, ça revient au même finalement. On est allés dans un concept accessible. Mais, en cours de route, on s’est ramassés avec un répertoire pas si léger que ça", confie le violoniste de 25 ans.

Le 19 mai à 20h
À la Maison de la culture de Trois-Rivières