Festival de musiques de création : Encorder le ciel
Le 15e Festival de musiques de création, ayant pour thème Cordes sur ciel, nous invite à un voyage sonore peu commun.
Le ciel est gréé pour l’occasion. Les fous de la musique de création encorderont le firmament. Des artistes qui remueront ciel et terre pour les faire sonner, les accorder enfin, créer l’événement. Les cordes du ciel se banderont alors, comme un arc-en-ciel musical, prêtes à être pincées ou grattées, sur le point de vibrer comme peut-être jamais auparavant. Chaque note deviendra un corps céleste, un bolide percutant…
Le Festival de musiques de création a pris son temps avant de réussir à trouver une formule efficace. En 17 ans, c’est 15 événements qui ont dû faire face à différentes contraintes. "On a essayé toutes les formules, parce qu’au début, il n’y en avait pas de public, explique Pierre Dumont, l’un des organisateurs du Festival. Il n’y avait même pas de public de jazz ou de blues dans la région. Il n’y avait rien. On a inventé un public, à quelque part." Parce que les gens doivent apprendre à aimer, à découvrir une musique différente… "C’est une éducation, je dirais. Avoir un vrai public… Pas avoir des musiciens dans la salle. C’est comme en art contemporain, tu vas dans les vernissages, c’est tous des chums! Nous autres, il n’y a presque pas de musiciens, c’est du public. Ça, j’en suis bien fier." La meilleure formule semble avoir fait ses preuves dans les dernières années, alors qu’environ 100 personnes se sont présentées à chacun des spectacles. Elle permet aux gens d’assister à cinq programmes doubles en deux semaines, jumelant lors de chaque soirée une prestation plus accessible à un spectacle de découverte. Alors à quoi s’attendre? Qu’est-ce que la musique de création? Poésie sonore, bruitage, improvisation, jazz, rock psychédélique; bref, tout ce qui semble inclassable et qui naît de l’expérimentation à partir d’instruments existants ou inventés.
C’est toujours avec la même passion que Pierre Dumont met l’épaule à la roue pour le Festival. Celui qui a développé une technique de sculpture du son, capable d’accorder chacun des rayons d’une roue de vélo, invente des instruments fascinants résultant de plusieurs années d’expérimentation. Pourtant, il y a des années qu’il ne participe plus au Festival en tant que musicien. "Quand tu organises un festival, c’est bien difficile… Je travaille beaucoup, maintenant, en studio. Je fais de la musique de film, de la musique de danse contemporaine. J’ai pas le temps vraiment…" Qui sait, peut-être trouvera-t-il le moyen de s’accorder avec l’un des artistes invités?
PROGRAMMATION
La soirée d’ouverture du Festival se veut internationale. Elle a été rendue possible grâce à la collaboration du FIMAV (Festival international de musique actuelle de Victoriaville). Nous pourrons y entendre une formation de la Norvège, Huntsville, ainsi qu’Ash & Tabula, de New York. Ensuite, des artistes canadiens sont invités à faire vibrer la scène, dont Mei Han, une virtuose du zheng, Danielle Palardy Roger, qui s’est adjoint le talent de Fred Frith, ainsi que François Bourassa, Jean Derome et Pierre Tanguay. Le 20 mai, les spectateurs auront même droit à de la danse contemporaine avec la troupe Coquille d’oeil. Une chorégraphie de Lina Cruz sera alors soutenue par la musique du collectif Traces. Fait important à noter, la formation l’Hexacorde, qui devait assurer la première partie de Lauzier, Perkin et Kuster en clôture du Festival, ne pourra pas s’acquitter de cette tâche. C’est plutôt le trio In Extensio qui tombe du ciel, prenant la relève de ceux qui, à la suite d’un malheureux accident, ne pourront pas se commettre sur l’une des scènes du Festival.
Parmi les artistes invités, un gars bien de chez nous: Stéphaze Bouliazze – les n de son nom ont un jour chaviré, mais la cause de ce renversement se perd déjà dans la mémoire de l’artiste. Il faut dire que ce semi-pseudonyme apporte son lot d’anecdotes, surtout chez les médias, qui craignent l’erreur impardonnable dans le nom d’un artiste, ce qui amuse particulièrement le principal intéressé… Très polyvalent, Bouliazze a étudié la sculpture à l’UQAC avant de laisser s’éclater sa pratique, de suivre ses envies créatives, peu importe la façon dont elles voudraient venir au monde. "Ça fait trois ou quatre fois que je le vois jouer, raconte Pierre Dumont, expliquant la place de Bouliazze parmi les artistes invités. Il y a une logique dans ses affaires… C’est quelqu’un qui vient du milieu des arts visuels. Alors quand il fait de la musique, il crée de l’espace autant que du son. Je comprends son langage…"
Bouliazze, qui a été membre du groupe Fugues indociles, accorde beaucoup d’importance au CEM (Centre d’expérimentation musicale), qui offre, dans la région, des possibilités intéressantes aux artistes émergents, leur permettant de vivre des expériences particulièrement enrichissantes au contact d’autres musiciens de la scène contemporaine.
Lors de son spectacle, le 25 mai prochain, au Côté-Cour, Bouliazze alternera entre le bidouillage électronique et l’expérimentation plus matérielle. "Le piège de la musique électronique, c’est d’être assis devant son ordinateur sans bouger, affirme-t-il, de juste jouer avec des boutons… C’est plate pour le public. Dans ce cas-là, tu ne vois pas de différence live. Que l’artiste soit là ou pas, ça change rien." C’est ainsi que son, musique, action et texte s’entrelaceront ou se dissocieront pendant son show. Bouliazze promet même des invités, dont Marc-André Gagné, musicien avec lequel il joue sporadiquement depuis 15 ans.
L’un des moments les plus forts de son spectacle pourrait bien être un hommage très personnel à son grand-père. "Je vais aller capter mon grand-père, qui vit encore – ça, j’en profite. Il joue du violon, de l’harmonica, de l’accordéon… Quand j’étais jeune, je l’enregistrais, souvent en cachette. C’est un souvenir qui m’est revenu. Ça part de là. Je vais aller le capter, dans les trois instruments, et je vais le mixer live. Je vais mixer de la musique traditionnelle. J’ai hâte de voir ce que ça va donner."
Bouliazze travaille même à la conception d’un instrument unique, à partir d’une bicyclette – il est actuellement employé dans un magasin de vélos de la région -, créé spécialement pour l’occasion. De son propre aveu, c’est une expérimentation au sein du mouvement de création sous contrainte 3REG qui serait à la source de ce numéro. Enfin, en seconde partie de Bouliazze, ce sera au tour du "power trio" Schizophonie (David Gagnon-Pelletier, Gabriel Galarneau-Nolin et Joël Fortin), tous issus du terreau régional, de faire montre de leur travail créatif.
Il est à noter que, pour l’occasion, le journal Voir Saguenay/Alma mettra à l’épreuve son nouveau blogue. De cette façon, il sera possible de couvrir tout le Festival. Vous êtes invités, chers lecteurs, à répondre de vos critiques à nos commentaires, que vous trouverez chaque jour sur le site. Bon Festival!
Pour plus d’information: www.musiquesdecreation.com.
Du 18 au 26 mai
À la Salle Pierrette-Gaudreault
Et au Café-théâtre Côté-Cour
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