Caïman Fu : Terrain d’entente
Caïman Fu revient au Petit Chicago pour une seconde visite, avec sous le bras, son dernier opus Les Charmes du quotidien.
Isabelle Blais se trouve à la croisée de toutes les conciliations, agissant comme une conjonction de coordination dans la grande phrase de la vie. D’abord, on le sait, parce qu’elle allie cinéma et musique avec une confiance et une légèreté remarquables. Il faut dire qu’avec la reconnaissance qu’elle obtient, tant dans le milieu musical que dans celui du cinéma… il serait ridicule de lui demander de choisir entre les deux. Sur le plan de la passion, pas question de céder du terrain: il faut simplement aller de l’avant.
Celle qui a déjà participé à plusieurs des oeuvres les plus marquantes de la filmographie québécoise des dernières années (Un crabe dans la tête, Québec-Montréal, Les Invasions barbares, Les Aimants…) n’a pas fini de se faire remarquer. Son rôle récent dans la série Traffic humain ne dément pas son talent évident pour le petit et le grand écran. Fascinant de l’entendre ensuite chanter les Charmes du quotidien.
Les textes qu’elle chante au sein de la formation Caïman Fu sont léger; en tant que parolière, elle a cherché à concilier le quotidien et la poésie: "Le quotidien, c’est comme un mal. Ça peut devenir très beau ou on peut s’engouffrer dedans. Dans nos chansons, il y a toujours une partie du quotidien. J’ai cherché à montrer l’aliénation du temps qui passe. On vit… Il faut travailler, payer nos comptes, on cherche l’amour, il faut prendre soin de sa santé. C’est des gestes que tout le monde fait. Mais on n’est pas des robots! Il faut juste pas se perdre là-dedans, ne pas oublier qu’on est en vie. Autrement, on devient zombie et on oublie le temps qui passe." Peut-être est-ce son statut de vedette, l’obligeant tous les jours à tendre vers un rapprochement entre l’ordinaire et l’extraordinaire, qui la met sur la piste de la conciliation. "C’est toujours agréable que les gens te disent qu’ils ont aimé ce que tu fais. Mais il faut rester les pieds sur terre. J’ai pas choisi ce métier pour être reconnue. C’est pas ma motivation. Ça me rend mal à l’aise quand quelqu’un se plie en quatre devant moi. Je ne carbure pas à ça du tout. Le fait de fréquenter les deux milieux m’a appris que l’important, c’est le travail. À long terme, l’important, c’est pas les honneurs. Je veux juste que ça dure."
Caïman Fu se retrouve même au centre d’une conciliation que plusieurs envisageront comme improbable. Alors qu’ils étaient sur la scène de la fête nationale québécoise, à Montréal, en 2005, ils se retrouveront sur les plaines d’Abraham pour la fête du Canada en 2006. Interrogée sur ce qui pourrait être considéré comme une apparente contradiction par certains, elle répond avec aplomb, mentionnant au passage que d’autres artistes (Plume Latraverse, les Cowboys Fringants) l’ont fait avant eux: "Notre band n’est pas très politisé. C’est sûr que mes idées politiques, je les mets de côté pour ça. L’important, c’est de mettre du pain sur la table pour mes musiciens. Moi, j’ai le luxe d’avoir un autre métier… J’ai beau avoir des tendances souverainistes, n’empêche que c’est payant. Pour penser politique, il faut d’abord avoir du pain sur la table. Ça ne me remue pas outre mesure."
Le 3 juin
Au Petit Chicago