Deadbeat : Voyage au bout du numérique
Deadbeat, projet dub ambiant du Montréalais Scott Monteith, refait surface au festival Mutek après une absence prolongée de trois ans. Rencontre avec un amoureux de basses bourdonnantes.
En mariant la chaleur des rythmes jamaïcains à la froideur des ordinateurs, le Montréalais d’adoption Scott Monteith, alias Deadbeat, relevait le défi ambitieux d’infuser une qualité humaine à la musique numérique. "Lorsqu’on travaille à l’intérieur d’une machine et qu’on utilise des échantillonnages synthétiques à profusion, il est facile de tomber dans le piège de devenir robotique. Pour moi, il a toujours été essentiel d’aller chercher une certaine souplesse au niveau sonore et de donner une impression de chaleur aux beeps électroniques. Depuis mes tout débuts, je cherche à développer cet aspect", raconte quelque peu nerveusement Monteith, à l’autre bout du fil.
Natif de Kitchener en Ontario, cet inconditionnel de musique roots et reggae s’installe ensuite à Toronto avant de transporter ses pénates à Montréal en 1995. Primordia, son premier album paru en 2001 sur le petit label local Intr_version (propriété de Mitchell Akiyama), propose une musique house texturée à l’esthétique minimale, truffée de boucles hypnotiques, de beats langoureux et teintée de dub. Les médias apposent alors l’étiquette "dub ambiant" à ses créations sonores, ce qui ne plaît pas particulièrement à Monteith. "Oui, le dub est une référence évidente mais je ne crois pas que cette classification extrême permette aux gens de conserver une certaine ouverture d’esprit à propos du produit qu’on leur présente. À mon avis, appliquer des étiquettes précises sur de la musique créative cause plus de dommages qu’autre chose. Il est parfois inévitable de nommer les choses et de donner aux gens une certaine idée de ce qui les attend, mais créer des sous-genres comme celui-là est totalement ridicule", estime l’artiste de 28 ans.
Difficile de ne pas établir de parallèle entre le résultat de la galette et la philosophie de l’étiquette allemande Mille Plateaux, qui connaît son apogée en 1999 et 2000 avec la naissance du click’n’cut. "Oui, l’influence est palpable. Le label a fait paraître d’excellents titres au fil des ans et a servi à modeler un certain type de musique électronique que l’on entend aujourd’hui couramment. J’ai apprécié un bon nombre de leurs disques, mais aujourd’hui, si on les réécoute, on se rend compte que ça a plutôt mal vieilli", précise l’ancien employé d’Applied Acoustics Systems, célèbre compagnie de logiciels montréalaise.
Désirant pousser à fond son explorations sonores tout en raffinant ses ambiances brumeuses minimalistes, Monteith (aussi membre de Crackhaus) s’associe à l’étiquette berlinoise Scape, propriété de Stefan Betke, alias Pole, pour ses trois parutions suivantes (Wild Life Documentaries, qui séduit le public européen, l’introspectif Something Borrowed Something Blue et New World Observer, paru l’an dernier).
Bossant dans son studio maison, le petit whiz du laptop croit que la musique électronique se retrouve aujourd’hui dans une position inconfortable mais prometteuse. "Au fil des ans, le terme "musique électronique" devient de moins en moins pertinent parce que tout le monde possède des outils numériques pour créer sa propre mouture. On commence à se distancier des clichés qui définissaient ce que devait être la musique électronique et on assiste à une espèce de retour aux sources au niveau de l’électronique pur, comme avec le techno. En même temps, on parvient à créer de nouveaux hybrides fascinants avec l’ascension fulgurante et l’accessibilité du numérique. Que voulez-vous de plus?" Vive la technologie moderne!
Le 4 juin
Avec Mike Shannon, Bones, Jan Jelinek, Pole & Band
À la Fonderie Darling
MUTEK
Devenu un événement incontournable, autant pour l’amateur de culture numérique que pour celui de musique électronique avant-gardiste, Mutek lance la saison des festivals montréalais avec 70 artistes locaux et internationaux qui se relaieront dans pas moins de six lieux différents. Des têtes d’affiche aux nouveaux venus de la scène locale et internationale, il faudra surveiller cette année le Japonais Ryoichi Kurokawa, 5 mm, projet du Montréalais Marc Leclair (alias Akufen) et Gabriel Coutu-Dumont, la soirée-événement avec le duo français Nôze, Los Hermanos, Mossa ainsi que l’Allemand Thomas Brinkmann, de retour après une absence prolongée. Sans oublier la soirée de clôture avec quelques noms de l’étiquette berlinoise Scape dont Pole et Mike Shannon. Cette septième édition à la programmation diversifiée et audacieuse promet de conjuguer création sonore, recherche audiovisuelle et innovation technologique. Du 31 mai au 4 juin.