Deweare : Le déserteur
Musique

Deweare : Le déserteur

Deweare vous emmène au cinéma avec High Class Trauma, un disque de chansons ficelées qui évoquent la nonchalance de Beck et la classe de Gainsbourg. Rencontre avec un chanteur qui assume bien ses paradoxes.

C’est la tombée du jour et Deweare sirote un scotch dans la demi-pénombre du bistro parce qu’il ne boit plus. Deweare n’est pas son nom pour les intimes, appelez-le plutôt Franck. Franck, donc, qui ne joue pas de personnage malgré cette identité détournée, vient des Europes et entamera l’entrevue en affirmant qu’il les a désertées "parce que je ne supportais plus le climat social et je ne suis pas près d’y refoutre les pieds, les gens ne sont plus capables de vivre ensemble", pour la clore ainsi: "C’est clair que je planifie rentrer en Europe un de ces quatre… Trop de choses me manquent: m’engueuler avec la belle-famille le dimanche, le mauvais caractère de certaines personnes dont je n’aurais jamais pensé m’ennuyer." Au cours de l’entretien, il parlera aussi de son intérêt pour "les rendez-vous manqués, l’amour vache et… les paradoxes", qu’il célèbre dans la langue de Beck avec un raffinement tout gainsbourien sur cet album intitulé High Class Trauma. "Causer politique, c’est pas ma fibre", dira-t-il, interrompant sa lecture d’un journal sur les Patriotes en ce jour de fête de la Reine.

À l’âge du Christ, 33 ans, notre homme en a vu et entendu d’autres. Premiers pas en musique via des reprises des groupes français-cultes: Bérurier Noir et Ludwig Von 88, notamment. Premier vrai groupe avec Poor Men, qui carbure aux influences punk, garage, rock et new waveuses et finit par assurer les premières parties de Béru, justement, et aussi d’Alain Bashung. Ensuite, il déménage à Bruxelles où il enregistre quelques disques sous le nom de Franck Marx, qu’il fera paraître sur la même étiquette que dEUS. Puis le grunge lui passe sur le corps et dans les oreilles. Il met les pieds à Montréal et, dans un avion retardé à l’aéroport Charles-de-Gaulle, fait la rencontre d’Ariane Moffatt, qui le mettra en contact avec les doués musiciens du trio électro-jazz Plaster dont certains des membres, de même que d’autres musiciens, recrutés chez Afrodizz, Odd et Motus 3F, lui donneront un bon coup de main pour ce disque mixé par Carl Bastien. On a vu pire comme entourage.

À quoi ça ressemble, au final? À Beck pour la voix et le ton, à Gainsbourg pour le raffinement, la désinvolture et la classe. "C’est lui qui m’a donné envie de chanter, de faire quelque chose d’esthétique. Avant, je faisais de la musique de manière plus dynamique, dans le sens de jouer sur l’intensité, de sortir par la force ce qui allait ou n’allait pas."

À l’écoute de High Class Trauma, il nous vient un peu l’impression d’être au cinéma, on décolle. "J’avais envie de parler aux gens dans le creux de l’oreille plutôt que de leur gueuler dessus. Je voulais installer une ambiance, que les gens ressortent du disque en ayant l’impression d’avoir vécu la rencontre, la poursuite, etc. Comme au cinéma."

Chose certaine, les chansons enveloppantes de Deweare, entonnées par cette voix cuivrée et chaude, ne doivent rien aux années 80: "J’ai détesté cette décennie! J’aimais bien les Cure mais je ne pouvais pas aimer leur gueule. Je trouvais leur look ridicule et leur tendance à toujours être tristes me faisait chier à mourir, même si j’aimais leurs chansons. C’est tout l’esthétisme des années 80 que je ne pouvais pas supporter, en musique comme au cinéma d’ailleurs… Car c’est comme si le punk s’était cassé la gueule, comme si, en voulant bien faire, il était tombé par terre. Les années 80 sont pour moi le symbole du conformisme alternatif!"

Plus d’info sur Deweare à ces adresses: www.deweare.com et www.myspace.com/deweare.

Deweare
High Class Trauma
RIF / Outside