Lorraine Pintal : Guerre et paix
Musique

Lorraine Pintal : Guerre et paix

Lorraine Pintal accueille au Théâtre du Nouveau Monde la reprise attendue de l’opéra Wozzeck, dont elle signe la mise en scène avec un plaisir manifeste.

Récipiendaire du prix Opus 2003-2004 du "Concert de l’année – régions", l’opéra Wozzeck (1925) d’Alban Berg avait été présenté au Centre d’arts Orford pour deux représentations seulement. La réorchestration de John Rea, qui permet à 21 musiciens de jouer la musique écrite pour un orchestre symphonique, a été présentée à Montréal une première fois en 1995 par le Nouvel Ensemble Moderne, mais la version Orford, comme celle du TNM, est interprétée par les musiciens de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin.

Lorraine Pintal, qui a tâté du théâtre musical à la compagnie La Rallonge, qu’elle cofondait en 1975, signe avec Wozzeck sa deuxième mise en scène d’opéra. C’est à elle en effet que la directrice de la compagnie Chants Libres, Pauline Vaillancourt, avait confié en 1997 celle de l’opéra de Serge Provost Le vampire et la nymphomane, sur un livret de Claude Gauvreau. Beau baptême! "Le mérite de Pauline, explique Lorraine Pintal, a été de nous réunir très tôt dans la démarche de création. La musique n’était pas terminée lorsque je suis arrivée dans le projet, alors j’ai pu suivre le travail de Serge Provost. Je ne lis pas la musique, donc c’est à l’oreille que s’éveille ma sensibilité musicale. J’ai pu accompagner le compositeur dans ses questionnements et mieux saisir ce qu’il voyait en écrivant sa musique." Elle retrouvait en quelque sorte la dynamique des créations collectives de La Rallonge.

Sans doute n’y a-t-il pas tellement de différences entre le théâtre et l’opéra, comme le confirme la metteure en scène: "Il faut diriger les chanteurs (ils sont 10), créer un lien entre la musique et le mot, trouver une manière de faire parler l’espace, les costumes, de faire dialoguer entre eux tous ces éléments scénographiques afin que la production ait un sens; c’est aussi ce que l’on fait au théâtre." Et puis Wozzeck entretient un lien étroit avec le théâtre: "Lorsqu’on me l’a proposé, j’ai accepté immédiatement, même si je n’avais pas le temps! Je connaissais la pièce Woyzeck de Georg Büchner et j’avais écouté l’opéra, parce que c’est le genre d’opéra que j’aime écouter – mon autre rêve, c’est que John Rea puisse offrir le même traitement à Lulu de Berg et que l’on produise ça à l’Opéra de Montréal, ou à Orford! J’avais vu, aussi, la mise en scène de Nicholas Muni avec le NEM en 1995, qui était formidable. Je voulais depuis déjà quelques années faire le Woyzeck de Büchner, alors quand cette proposition est arrivée, j’ai trouvé le temps!"

C’est au théâtre que Lorraine Pintal a trouvé ses collaborateurs: Jean Bard pour les décors, Marc Sénécal pour les costumes, Claude Cournoyer à l’éclairage. "Nous avons travaillé avec très peu de moyens, ça, il faut le dire; les contraintes financières étaient énormes. Je pense que le fait d’avoir déjà apprivoisé le théâtre de Brecht m’a servi dans l’utilisation d’un décor unique, qui peut contenir tous les lieux. C’est de Brecht que m’est venue l’inspiration de faire de tous les personnages des soldats qui se retrouvent à la caserne et se racontent le drame de Wozzeck. Cela permet une mise en scène qui reste assez simple, car il ne faut pas trop en ajouter sur cette musique déjà très chargée."

Présenter de l’opéra au théâtre comporte un certain risque, et l’on ne peut qu’espérer que le public voudra le prendre aussi. "L’oeuvre est connue de gens de théâtre, poursuit Lorraine Pintal. Cette histoire d’un soldat opprimé par sa société, jaloux, trahi par Marie, une prostituée, qui devient fou, la tue et se suicide… Mais il y a là une vitalité qui fait que ce n’est pas pesant; c’est tumultueux, étonnant et très varié. On ne s’ennuie jamais!"

Les 30 et 31 mai et les 2, 4, 6, 8, 9, 11, 13 et 15 juin
Au Théâtre du Nouveau Monde
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