Luc Perron, conteur : À' m'ment d'né
Musique

Luc Perron, conteur : À’ m’ment d’né

Luc Perron, conteur. Une identité que l’on n’assume souvent qu’après que les autres nous aient consacré comme tel. Se dire d’ici prend tout son sens quand on discute avec Perron…

Dix-huit ans à baigner, à temps partiel, dans le monde de l’imaginaire et du fantastique. Luc Perron a fait ses classes dans un camp d’été, alors qu’il n’était pas encore majeur, élaborant ses premières envolées merveilleuses, où le diable prenait déjà corps pour tenter – et même séduire – des personnages issus tout droit des légendes de la région.

Dès les premières secondes de l’entrevue, une question fort simple – "Alors comme ça, vous êtes conteur?" – prend une propension presque mythique. Après une longue hésitation, Perron tient à préciser: "On peut bin dire ça. À’ m’ment d’né, quand tu présentes des spectacles de contes… Mais ce qui est drôle, c’est que les vrais conteurs, ils ne travaillent pas sur des scènes. Moi, je travaille dans la construction. Pis dans ce domaine-là, il y en a en masse, des vrais conteurs. Des gars qui te racontent la journée que tu as passée avec eux autres, pis même si tu étais là, tu as quasiment de la misère à les croire… C’est des conteurs de première classe." Il est vrai que parmi les meilleurs conteurs se trouvent ceux qui ne dévoilent leur imaginaire fabuleux qu’entourés de leurs proches.

Le phénomène de la médiatisation et de la commercialisation des conteurs, dont Fred Pellerin est sans doute l’exemple le plus frappant, provoque en effet plusieurs interrogations. Qu’est-ce qu’un véritable conteur? Quand le devient-on? "Moi, j’pensais que dans toutes les familles y’avait quelqu’un qui racontait des contes et des légendes. Pis j’m’imaginais que j’étais pas chanceux parce que dans ma famille, y’en avait pas. Mais c’est lors d’un voyage dans l’Ouest que j’ai eu la grande révélation. J’étais au Yukon. À’ m’ment d’né, en rentrant où j’habitais, j’ai allumé la radio avec un copain, pis on a entendu un conte. En fait, y’avait un silence, pis le conteur a commencé. C’était vraiment le timing parfait. C’était Marc Laberge, pour le nommer. Il a été mon déclencheur. Quand il a eu fini, j’ai fermé la radio. J’étais quasiment en transe. J’avais compris quelque chose. Ça a été une grande séduction pour le monde du conte."

Par la suite, il a frayé dans le milieu de la musique traditionnelle, participant à certaines formations, accompagnant même quelques-uns parmi les plus grands porte-étendards de notre musique et de notre culture traditionnelles, dont Alain Lamontagne.

Pour Perron comme pour bien d’autres passionnés de l’imaginaire, être conteur, ça ne s’enseigne pas, mais ça s’apprend. "À force d’en lire, explique-t-il, on vient qu’on a un langage propre au monde du conte. Je cherche beaucoup ce qui a trait à ma région, le plus possible, je ramasse beaucoup ça par la littérature. Ça a été rapaillé par d’autres ethnologues…" Il ne s’agit pourtant pas d’apprendre par coeur ce qui a déjà été écrit, mais de s’inspirer de faits plus ou moins véridiques pour structurer un nouveau récit. "Je retravaille tout ça un peu, je le remets en contexte dans la région. Il y a plusieurs de mes contes qui ont été construits comme ça, à partir d’autres contes. Sinon, je bâtis à partir d’éléments que je connais. Je fais des trucs avec Alexis le Trotteur. Il est toujours vivant dans mes contes; ça se passe "à’ m’ment d’né"."

Pour son spectacle présenté au Café-Sofa, le conteur sera accompagné de deux musiciens; Gilles Poirier (flûte baroque, flageolet, percussion et voix), qui collaborait déjà avec Perron au sein de la formation Les Chouenneux, et Emmanuel Bourgeois (violon et voix), un authentique violonneux madelinot. Le spectacle sera structuré selon une formule originale où les contes, parfois accompagnés de musique, seront entrecoupés de reels et de chansons à répondre. Pour Perron, c’est important de le faire pour alléger la soirée: "Le monde travaille fort, pendant la soirée. Moi, je conte en noir et blanc, dans la tête du monde ça se passe en couleurs… Les bouts que je ne conte pas, les gens les inventent dans leur tête. Chacun se fait une histoire différente."

Il faut une excellente complicité et des musiciens qui sont au sommet de leur art pour accompagner un conteur. En effet, le défi est grand: "L’action qui se déroule dans ma tête est toujours la même, affirme Perron. Mais les mots pour la décrire, c’est jamais les mêmes. Des fois, tu t’enfarges un peu dans le sentier, alors c’est un peu plus long… Tu rencontres un personnage de plus… Ça casse la tête aux musiciens, parce qu’ils veulent suivre, eux autres… Ça leur prend des points de repère." Mais Poirier et Bourgeois en ont vu d’autres, et les liens qui se tissent déjà entre les trois hommes promettent des soirées dignes de nos racines, qui chatouilleront peut-être nos aïeuls au point de les faire revivre, le temps d’un récit…

Le 26 mai
Au Café-Sofa de la Boîte à Bleuets
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